La province en 1871 Documents 2




DOCUMENT     IV

Grève de la maison Gibus et Cie à LIMOGES

Manifeste de la Chambre syndicale des    ouvriers porcelainiers de LIMOGES

Grève de la  Maison  Gibus. Source : C 2883
Aux  ouvriers  porcelainiers   du   département
Camarades,

Nous croyons remplir notre devoir en portant à votre connaissance le différend survenu entre la maison Gibus et Cie et ses ouvriers.


Ce devoir si pénible pour nous, nous sommes résolus à le remplir jusqu'au bout. Pendant que nous supportions avec tant de patience et de résignation la crise qui pèse si lourdement sur l'industrie en général et particulièrement sur la porcelaine si cruellement atteinte, crise dont nous sommes victimes et dont nous ne sommes certainement pas la faute, car, en toute circonstance, nous avons protesté contre la guerre de conquête.

Pendant que la plupart de nos patrons s'imposent de grands sacrifices pour ne pas fermer leurs fabriques et garder leurs ouvriers, nous n'hésitons pas à proclamer ici que la plupart se sont montrés pleins de bienveillance envers nous et que nous n'avons qu'à nous louer de leurs bons procédés.
Seule la maison Gibus et Cie, placée dans des conditions exceptionnelles et plus favorisée que beaucoup d'autres, commença d'abord à mettre ses ouvriers à 3/4 de journée; les ouvriers se soumirent à cette mesure, sans la moindre plainte.   Plus tard encore, cette maison réduisit le travail à la demi-journée.   Les ouvriers acceptèrent cette nouvelle réduction de travail sans murmurer : puis, sous prétexte d'inventaire, la maison ferma tout à fait.
Nous disons sous prétexte car cette maison faisait toujours son inventaire au  1er juillet. Les ouvriers furent prévenus à la reprise du travail qu'à l'avenir, ils auraient à payer toute la fente, violant ainsi le traité qu'elle avait elle-même passé avec ses ouvriers en 1864, donnant ainsi le scandaleux spectacle d'une maison qui viole ce qu'il y a de plus respectable au monde : une parole donnée et un traité fait loyalement de part et d'autre.
Au point de vue légal, la maison était dans son droit, nous ne le contestons pas ; seulement nous nous adressons à tous les gens honnêtes et impartiaux et  nous demandons si le moment était opportun et si cela ne décelait pas l'intention de finir d'aggraver une situation déjà si malheureuse et d'opprimer une portion ouvrière qui supportait avec tant de calme et de résignation les misères et les souffrances du moment.
Voyant la résistance énergique que lui opposaient les ouvriers, cette maison persistant dans cette voie malveillante, leur proposa de les enfermer pendant les heures de travail et de ne tenir la porte ouverte qu'aux heures de repas.
Les ouvriers protestèrent avec indignation au nom de leur dignité et surtout de leur liberté puisqu'ils travaillaient aux pièces et ensuite parce que cette mesure nuisait à la bonne condition du travail.
Car, nous le disons bien haut, nous ne voulons pas la ruine de nos patrons. Au contraire nous ne demandons que leur prospérité, mais nous croyons avoir le droit de défendre nos intérêts, notre dignité et notre liberté.
La maison Gibus dont tout le monde connaît la prospérité et la fortune qu'elle a si rapidement acquise et à laquelle les ouvriers ont travaillé pour une si large part (cela ne peut pas se contester), reconnaît leurs services en les mettant aujourd'hui dans l'alternative d'accepter des conditions si contraires à leurs intérêts et si blessantes pour leur dignité et d'encourir le blâme et le mépris de leurs camarades, ou de quitter immédiatement leur maison.   C'est ce dernier parti que les ouvriers ont pris sans hésiter.
Maintenant, camarades, nous membres de la Chambre syndicale, nous ne craignons pas de porter notre cause devant le tribunal de l'opinion publique.   Il décidera de quel côté est la bonne foi, la loyauté et l'honnêteté et nous sommes certains qu'il nous donnera gain de cause.
En conséquence, camarades, usant du droit que nous donne la loi, nous nous coalisons contre la maison Gibus. Nous la mettons en interdit pendant cinq ans ; nous disons honte et mépris a celui d'entre nous qui franchira le seuil de cette maison maudite ; elle fait demander des ouvriers par des journaux, camarades, c'est un piège tendu à votre crédulité, à votre bonne foi ; ce qu'elle veut, cette maison, ce n'est pas des ouvriers intelligents et honnêtes, il    lui faut des machines de travail.
Si nous mettons cette maison en interdit, nous n'employons que la persuasion, car si la maison Gibus et Cie a voulu nous provoquer à quelques actes de désordre et de violence, nous répondons à cette provocation insensée par le calme et le dédain.
La Maison Gibus a parlé de meneurs. Les meneurs, tout le monde les connaît, ce  sont les messieurs Gibus et Cie.
Et maintenant, quoi qu’il arrive, camarades, vous pouvez être certains que la prospérité de la maison Gibus est finie : l'heure de la décadence a sonné pour elle : cette décadence  sera prompte, rapide et complète, et ce  sera le juste châtiment de la conduite pleine de déloyauté qu'elle a tenue envers  ses ouvriers.
Fait à Limoges, le 13è jour du mois de janvier
de l'année  1871.
Copie du présent manifeste sera envoyée à toutes les sociétés ouvrières de France et d'étranger et sera lue en assemblée générale tous les premiers dimanches de chaque mois.
(suivent les  signatures
 
 
LA     PERIODE     DE     LA     COMMUNE

DOCUMENT   V

Quelques adhésions à la Commune, placards révolutionnaires, affiches radicales

1) - Deux adhésions à la Commune

 
a) Réunion du 24 avril 1871 du Comité Radical de la Seine-Inférieure et de la Fédération rouennaise de l'A.I.T.
Source : C  2884 pièce n°1784
La séance est ouverte à 8 heures.
Le président Vaughan a la parole sur le procès-verbal de la séance du 23 avril (adopté).
Le citoyen Riduet donne connaissance du manifeste du Comité radical relativement aux élections municipales, lequel est lu par paragraphes et adopté à l'unanimité (applaudissements prolongés) :
REPUBLIQUE FRANÇAISE
LIBERTE  EGALITE, FRATERNITE JUSTICE, SOLIDARITE
 
Comité Radical de la Seine-Inférieure et Fédération rouennaise aux électeurs
Citoyens !
Le gouvernement de Versailles vous convoque à élire dimanche prochain nos conseils municipaux.
Il convient d'examiner jusqu'à quel point  cette convocation est légale et comment nous devons y répondre.
L'Assemblée nationale, élue dans les circonstances que nous connaissons et investie du mandat spécial parfaitement limité de traiter de la paix ou de la guerre, n'avait-elle pas pour devoir aussitôt sa mission accomplie de se retirer en laissant sa place à une Constituante plus librement élue ?
Évidemment OUI - il ne pouvait lui appartenir de faire une LOI MUNICIPALE engageant ainsi l'avenir au mépris des droits et des devoirs que posséderont seuls nos représentants futurs, et bien moins encore de modifier pour les besoins de la cause une loi électorale non encore abrogée ; consacrer cette loi par notre participation au vote QUEL QU'EN PUISSE ETRE D'AILLEURS LE RESULTAT, serait nous rendre solidaires de son inconstitutionnalité.
En présence des revendications de Paris, qui, pour la première fois depuis  1789, affirme ce principe de la véritable souveraineté populaire, de l'affranchissement du travail par les travailleurs, votre ligne de conduite n'est-elle pas toute tracée ? Pouvons-nous étayer par nos votes en même temps qu'un gouvernement qui n'a de la République que le nom, le principe autoritaire qui a fait son temps et qui doit disparaître.
Non, citoyens ! Nous devons repousser absolument la responsabilité d'une élection semblable à celle qui nous est proposée et pour laquelle le temps de se concerter n'est pas même accordé aux électeurs.
Laissons donc se rendre au scrutin ceux qui, ayant nommé l'assemblée de Versailles, acceptent la solidarité (sic) de ses actes.
Quant à nous, électeurs républicains et socialistes, réservant nos droits jusqu'au  jour où nous pourrons les exercer régulièrement, dans leur souveraineté, nous nous abstiendrons de prendre part au vote et nous vous conseillons l'ABSTENTION.
Le Comité Radical de la Seine-Inférieure La Fédération Rouennaise
Rouen, le 24 avril 1871
Le président a la parole et donne connaissance à l'Assemblée qu'il manque d'imprimeur pour faire imprimer le journal radical socialiste, mais qu'il espère faire imprimer le manifeste qui devait paraître mardi 25 avril dans ce même  journal dans un des journaux de la ville.
Vaughan donne lecture du programme du Comité, ensuite il demande à l'assistance de manifester ses sentiments, sur quoi, le public applaudit et ne fait silence que lorsque  Cordhomme eut invité Delaporte à lire l'acte d'adhésion qu'il avait rédigé.
 
REPUBLIQUE FRANÇAISE
LIBERTE, EGALITE, FRATERNITE
 
À la Commune de Paris
 
Unis dans une fraternelle solidarité pour la revendication des franchises du peuple et le triomphe de la Révolution, les membres de la Fédération rouennaise et du Comité radical de la Seine-Inférieure, saluent avec enthousiasme l'avènement de la Commune de Paris et adhèrent sans réserve à son programme.
Dans ce duel sanglant de l'autorité contre la souveraineté du peuple, du privilège contre l'équité, alors que les monarchistes ont consommé la criminelle coalition sanctifiée par l'Eglise, il est bon que Paris sache que, malgré la corruption et la pression administrative, malgré les mensonges et les calomnies d'une presse déloyale, il est, en province, des coeurs qui battent à l'unisson des aspirations de la capitale et partagent ses espérances.
Que la Commune de Paris poursuive donc son œuvre, sans relâche et sans faiblesse, sûre que, par toute, la France, la démocratie désavoue hautement le gouvernement fratricide de Versailles.
La victoire ne sera pas longue à consacrer l'émancipation du peuple et le triomphe définitif de la République.
Vive la Commune  ! Vive la République   !
 
Après la lecture de cette pièce, les paragraphes furent, l'un après l'autre, votés à l'unanimité. Toutes les mains se levèrent, des bravos et des applaudissements se firent entendre, et de toutes parts, s'élevèrent les cris de "Vive la Commune, Vive la République". Il fut décidé que tous les assesseurs apposeraient leurs signatures tant au manifeste en faveur de la Commune qu'au manifeste électoral. Toutefois, on comprit la gravité que pouvait avoir un tel engagement, et quelqu'un exprima la crainte que ces signatures ne donnassent lieu à des arrestations. "Si un seul est arrêté, s'écria alors Percheval, tous les autres devront se constituer prisonniers", à quoi le nommé Lécureuil, typographe, qui déjà avait dit, après la lecture de l'adresse, qu'on était en mesure de proclamer la Commune à Rouen, ajouta (…) qu'on irait en tous cas mettre les prisonniers en liberté.
(...) L'assemblée nomme une commission pour faire les démarches auprès des journalistes afin de faire imprimer le manifeste.(...)
 
b) Le Comité central républicain  de solidarité du Havre (ex-Club Bernardin de Saint-Pierre), 22 ou 23 avril
Source : C 2884, pièce 1790
    
COMITE CENTRAL REPUBLICAIN
DE SOLIDARITE
 
Affirmation de l'autonomie de la Commune.
Rétribution des membres du Conseil municipal, réduction de leur mandat à 3 ans, révocables à tout moment par voie de pétition, après examen de leur conduite en réunion publique.
Les séances et adjudications de la Commune seront rendues publiques ; le vote sera nominal ; les procès-verbaux des séances seront publiés in extenso.
Élection immédiate de trois délégués de la Commune pour la section publique (en remplacement des commissaires de police), centralisant les rapports des officiers de la Garde nationale ;
Réorganisation de la police communale et large réduction du nombre de ses agents.
Abolition de tous les privilèges et monopoles accaparant ou entravant le travail.
Retour à la Commune des établissements ou administrations de l'Hospice, de l'asile des vieillards, de l'asile des orphelins, du bureau de bienfaisance qui seront remplacés par des administrations civiles sous le contrôle de la Commune.
Suppression du Mont-de-Piété et restitution
  gratuite de tous les objets engagés quels qu'ils  soient.
Élection d'un jury de paix chargé de régler les différends qui s'élèveraient entre les citoyens au sujet des loyers, contestations de travail, etc …
Établissement dans chacun des trois cantons d'un service médical et pharmaceutique de jour et de nuit, rétribué par la Commune et prêt, à répondre à toute réquisition des citoyens.
Établissement dans tous les quartiers de lavoirs publics gratuits (sic).
Suppression de toutes allocations aux différents cultes.
Suppression des congrégations d'enseignement, remplacées par des écoles libres et laïques ; instruction primaire républicaine gratuite et obligatoire ; admission gratuite dans les lycées, après examen subi, de tous les élèves sans fortune.
Réforme de l'octroi ; dégrèvement des objets de première nécessité ; taxe élevée sur les alcools  ; suppression des débits et cabarets reconnus comme lieux de débauche.
Nomination au concours de tous les employés de la Commune et responsabilité des susdits (1)
 
REPONSE DE PARIS
 
La Commune de Paris répondit aux citoyens du Havre
 
Paris, le 24 avril 1871
 
Citoyens du Havre,
 
Les membres de la Commune de Paris vous remercient, au nom de ladite Commune, des sentiments exprimés dans l'adresse dont nous vous accusons réception. Ainsi, nous vous disons que le différend existant entre nous et les Versaillais touche à sa fin, qu'il viendra un jour, et il n'est pas éloigné, où tous nos frères de province se joindront à nous pour nous  soutenir, pour soutenir notre cause qui est sainte, qui est celle du droit, qui est celle de l'honneur.
Mais, quoi qu'il arrive, nos sympathies seront toujours en première ligne pour nos frères du Havre.
Salut et Fraternité
Pour la Commune de Paris, les membres de la Commune :   Cluseret, Bergeret.
(1) Encore une fois un tel programme provincial, non seulement reproduit les principales revendications de la Commune de Paris, mais encore les dépasse, tout particulièrement d'un point de vue social.
 
2) - Quelques placards révolutionnaires en province
 
a)  Dunkerque, sans date, mais période de la Commune, en avril vraisemblablement.
Source : C 2883, n°1441, copie d'une affiche manuscrite placardée.
       
REPUBLIQUE FRANÇAISE
LIBERTE, EGALITE, FRATERNITE
 
Au Peuple
 
Citoyens,
La chambre impie qui prend sur elle de nous gouverner, sa mission étant terminée, prend aussi sur elle de faire égorger nos frères de Paris qui ne réclament que leurs droits, que leur liberté.
Leurs droits en réclamant les franchises municipales ! Leur liberté en réclamant l'administration communale!
Le chef de cette chambre maudite (la seule cause de tout ce sang versé), l'infâme Thiers, l'homme des insurrections passées, a décidé de réduire Paris par l'égorgement, le laisserons-nous faire ?
Il a appelé à lui tous les plus fameux sbires de l'Empire qui tous se rendront plus fameux par la guerre actuelle que par celle faite aux Prussiens. Il les encourage par des décorations et autres faveurs afin d'obtenir d'eux la somme complète de leur sauvagerie.
Ils auront beau faire, frères de provinces  le peuple de Paris qui combat pour lui et pour vous, le Peuple de Paris est fort, car il défend un principe qui ne saurait périr et le droit et la justice sont avec lui.
Vous restez froids, frères, devant la lutte gigantesque qui est engagée, vous restez froids parce que vous êtes trompés par toutes les dépêches menteuses de ce vieux singe hypocrite qu'on appelle Thiers.
Oui !  mille fois oui, vous êtes trompés, car il n'est pas vrai qu'à Paris on fusille !  il n'est pas vrai qu'à Paris on vole !
Paris est calme et sérieux, Paris a la conscience du devoir qu'il accomplit et des droits qu'il revendique.   Comment supposer en effet, qu'il y ait dans Paris 350.000 coquins en armes  !!!
Non !  il y a 350.000  citoyens courageux qui combattent et qui vous crient : AUX ARMES !   Levez-vous et nous serons tous libres.
 
Vive la République, une et indivisible !

 
Un membre de la Ligue Républicaine     J.   Martin
 
b) Issoudun, placard affiché le 5 avril 1871
Source : C 2883
 
Citoyens,
La France est perdue si le gouvernement de Versailles triomphe, car il ne tend qu'à nous mettre un Roi sur le trône, ce qui nous replongerait dans une anarchie plus criminelle encore que toutes celles que nous avons eues jusqu'à ce jour.
Méfions-nous donc, citoyens, de ce petit bonhomme de Thiers qui malgré nous avoir juré qu'aucun parti ne serait trahi (1) ne travaille que pour nous mener à une Monarchie. Celle-ci installée, elle fera pis que le Monstre auteur du coup d'Etat de 51 ; elle réorganisera la guillotine (sic) en matière politique (procédé infâme), et combien de nos malheureux frères payeront de leur vie la défense de nos Libertés!
Paris est rebloqué non par les Prussiens, mais par les Français, ceux qui l'ont  vendu tout en nous vendant aussi;ceux qui ne voulaient pas trouver de quoi se défendre contre l'étranger et qui en trouve bien pour nous faire massacrer leurs compatriotes.
Ouvrons donc les yeux sur ce fait, citoyens, ne souffrons pas que nos frères de Paris supportent de nouveau des souffrances semblables à celles qu'ils ont éprouvées pendant des mois entiers ou qu'ils se battent décidés à mourir jusqu'au dernier pour défendre les libertés qui nous ont été léguées par la nature, NON, ne souffrons pas cela sans les défendre, joignons-nous à eux, défendons unanimement ces Libertés qui sont la source du bien-être,   et en triomphant replongeons dans le néant ces Monarchies royales et Impériales qui n'ont toujours été que la ruine des nations.
Vive Paris !   Vive la Commune !
(1) Le pacte de Bordeaux est du 10 mars 1871.
cf. Copie d'un placard apposé au mur du Moulin du Château, sis à Issoudun dans la nuit du 28 au 29 avril 187Ï
Source : C 2884
Aura la Cruelle mort du Poignard quiconque déchirera cette affiche.
Vive la République !    Vive la Commune !
Citoyens, chacun de vous a pris connaissance du livre de la République que la Suisse nous a fait envoyer de vouloir bien faire connaître aux peuples la forme Républicaine/
Chacun la demande, cette République, mais personne ne veut la défendre, chacun la voudrait sans verser une goutte de sang, cela est facile à dire, mais vous n'avez pas assez de méchanceté.   Cependant l'Aristocratie ne craint pas de vous enchaîner, de vous faire assassiner par vos enfants, vous le voyez aujourd'hui, qui peut aimer un pareil gouvernement, pas une seule âme. Oui il y a quelque temps bien des gens ignoraient ce que c'était la République ou ignoraient ce que c'était que la Commune, chacun croyait que c'était  le communiste (sic) que l'on partagerait dans les biens.
Non, citoyens, la Commune constituée par le peuple les lois sont reconnues par le peuple dont il doit se soumettre, voilà pourquoi citoyens on l'appelle Commune parce que les lois sont pour le Riche comme pour le Pauvre.
Avons-nous besoin de divisions dans ce monde, non, citoyens, avons-nous besoin de tant de fainéants dans cette France pour- gruger le pauvre malheureux ouvrier qui nourrit tous ces employés qui traînant dans les rues prêtent l'oreille à ce que vous dites, qui prend votre nom et quelque jour après deux gendarmes viennent vous saisir et on vous (illisible : demande ?) qui peut soutenir un pareil gouvernement.
Aussi Dieu merci, citoyens, je suis heureux de pouvoir vous communiquer cette nouvelle qui doit vous faire plaisir, j'en suis sûr. Paris a remporté une grande victoire,10.000 soldats pontificaux ont succombé sous le feu des Parisiens.  Voilà pourquoi dans toute la France la Commune sera constituée  le 30 avril, jour du vote.
Chacun ne manquera pas d'apporter son suffrage.
Aux armes, Guerre à mort pour les Curés.
 
3) - Quelques textes radicaux autour des élections municipales du 30 avril
 
a) A la garde nationale de  Mantes
Source : C  2885, n°2110, annexe A, Rapport du Préfet de Seine-et-Oise.
Mantes, le 28 avril 1871
Citoyens,
En présence de la guerre criminelle que se font en ce moment les monarchistes de Versailles à l'héroïque cité Républicaine de Paris, le devoir de tous les vrais patriotes est de se grouper et de s'unir dans un sentiment commun.
Le principe fédéral, que Paris soutient de toute son âme et de toute son énergie, est le nôtre ; nous aussi nous voulons rompre avec les anciennes traditions unitaires et centralisatrices incompatibles avec la Républiques  persuadés qu'une nation ne possédera la liberté de fait que le jour où elle sera fédération communale.
La véritable unité française n'est plus possible qu'à ce prix.
Une mesure est urgente en ce moment ; que les citoyens Gardes nationaux délèguent un Comité fédéral à l'exemple de Paris ; qu'ils se concertent et se préparent ; et le moment venu, nous pourrons dans la mesure de nos forces, revendiquer les droits pour lesquels Paris s'est sacrifié tout entier.
   
LES DELEGUES DE LA GARDE NATIONALE
Placés en ce moment sous cette dictature militaire qui s'appelle l'état de siège, nous ne pouvons déclarer nos noms sans être immédiatement arrêtés par la police de Monsieur Thiers.
Mais une affiche ultérieure fera connaître les bases de notre organisation et, si le sacrifice de nos personnes est nécessaire au salut de la cause, nous sommes prêts.
 
b) Les délégués de la société internationale des travailleurs aux citoyens de Mantes
Source : C 2885, n°2111, Annexe B, Rapport du Préfet de Seine-et-Oise.
Citoyens,
Vous êtes appelés aujourd'hui à compléter l'élection de vos conseillers municipaux (1). Dans la situation toute exceptionnelle où nous nous trouvons, nous venons vous donner un conseil.
Vous êtes témoins, chaque jour, du courage héroïque avec lequel la vaillante cité républicaine de Paris soutient, contre les monarchistes de Versailles, le principe de la fédération communale, principe sans lequel la République ne saurait subsister. Eh bien ! que vos élections communales affirment ce principe de solidarité entre Paris et la Province.
Laissez à leurs loisirs ces parvenus, ces enrichis aux dépens du Peuple, tous ennemis du Travail, trop égoïstes pour représenter vos aspirations, et dont le dévouement ne s'adresse qu'à leurs propres intérêts.
Nous tous, travailleurs de tous les pays, nous sommes liés par une étroite solidarité, nos souffrances et nos besoins sont les mêmes ; ce que nous demandons tous, c'est l'abolition du Prolétariat et la revendication de nos droits méconnus jusqu'à ce jour.
Portez vos suffrages sur les ouvriers comme vous, sur des citoyens d'une probité et d'une loyauté reconnue, sur ceux-là qui, chaque jour, vivent de votre vie, partagent votre travail et vos souffrances ; ceux-là seuls, soyez-en sûrs, sauront faire prévaloir vos droits.
Nous n'avons pas à vous les désigner, c'est au Peuple souverain qu'il appartient de choisir ses mandataires ; vous saurez les trouver, ils existent, et par  ce moyen, nous arriverons au but que nous poursuivons ensemble et auquel tous nos moyens d'action tendent à aboutir, c'est-à-dire au triomphe du Peuple.
     VIVE LA REPUBLIQUE UNIVERSELLE !             
     VIVE LA COMMUNE !
Les délégués de la Société Internationale des Travailleurs
 
(1) Il doit par conséquent s'agir du second tour des municipales qui eut lieu le 7 mai 1871

c) Elections municipales de Beaune, 27 avril 1871

ÉLECTIONS MUNICIPALES DE BEAUNE LISTE DU COMITE DEMOCRATIQUE
Source :  Murailles politiques françaises, t. II, p. 364
Citoyens,
Nous ne proposons donc à vos suffrages que des citoyens résolus à maintenir la République de tout leur pouvoir, et à consacrer aux affaires publiques tout le temps nécessaire pour qu'aucune partie de leur tâche ne reste en souffrance.
Nous voulons le maintien de la République, parce que :
Seule, la République donnera à tous les citoyens les mêmes droits, en leur imposant les mêmes devoirs.
Seule, elle assurera l'exercice sincère du Suffrage Universel par l'instruction primaire, gratuite et obligatoire.
Seule, elle économisera les deniers de la France, par la suppression des gros traitements et des fonctionnaires inutiles.
Seule, elle pourra assurer la séparation, si désirable, de l'Eglise et de l'Etat.
Seule, elle permettre à tout citoyen d'aspirer aux emplois qu'il est apte à remplir, en donnant toutes les fonctions à l'examen et à l'élection.
Seule, enfin, elle garantira à chaque commune son autonomie complète, c'est-à-dire le droit de gérer elle-même ses affaires, de nommer ses magistrats, de disposer de ses propres deniers et de décider toutes questions purement municipales, sans l'intervention d'une autorité supérieure.
Les citoyens que nous présentons à votre choix sont déterminés à défendre par tous les moyens possibles ces principes qui, seuls, peuvent donner à la France la Paix et une Prospérité durable»
Vive la République Le comité démocratique (Suit la liste des candidats)
 
4)  -  Sur l'état du parti républicain socialiste à Nîmes
Lettre  de Cortès à un correspondant inconnu
Source : Archives Historiques de la Guerre, correspondance de La Marseillaise.
 
          Nîmes, 6 mai 1871
    Cher et honoré citoyen,
Nous avons reçu la lettre que vous avez bien voulu nous écrire le 27 mars dernier, nous avons admiré les sentiments qu'elle renferme et nous avons surtout été heureux en lisant la phrase par laquelle vous nous assurez qu'à la rigueur Paris peut se suffire.
Néanmoins, nous avons fait une active propagande afin de faire soulever le département, mais hélas ! nos efforts ont été vains. Les républicains sont pourtant nombreux dans le Gard, mais malheureusement il y a plus de modérés que de radicaux, plus de tièdes que de chauds.
Chaque fois que nous crions "aux armes !", chaque fois que nous cherchons à faire comprendre qu'en présence des actes du gouvernement vermoulu de Versailles l'émeute devient un devoir, nous nous trouvons en face d'individus qui parlent de conciliation absolument comme s'il était possible d'obliger à s'embrasser les amis du trône et de l'autel et les adeptes de la république universelle. De là des tergiversations qu'on ne  saurait trop déplorer.
Les modérés ne  se sont pas bornés à nous  empêcher de courir aux arme s afin de défendre nos libertés menacées par une Chambre qui sera justement flétrie par la postérité, ils ont tant et si bien prêché la conciliation qu'ils sont parvenus à faire nommer des délégués pour Versailles, ces délégués ont été pris dans les conseils municipaux et doivent aller prier Thiers de mettre un terme à la guerre civile. Nous voulons que vous sachiez que cette mesure a été adoptée malgré nous, nous ne reconnaissons pas le Gouvernement de Versailles. Nous ne reconnaissons que le Gouvernement de la Commune de Paris dont le programme est le nôtre, or, nous croyons que tenter une démarche quelconque auprès de Thiers, c'est reconnaître implicitement le gouvernement dont il est le chef.
Nous croyons qu'il est de notre devoir de vous dire quelle est la société de notre ville qui a le plus contribué à avilir le parti républicain, c'est la Société de Propagande Républicaine (vous voyez qu'elle n'est point digne de son titre).
Nous sommes convaincus que c'est se ravaler que d'implorer ceux qui  ont massacré nos frères à Paris, Marseille, Saint-Etienne, Toulouse  et Lyon, ceux qui ont   les mains teintes du sang de tous ces pauvres martyrs. C'est parce que nous avons  cette conviction   que nous avons cru devoir vous adresser une protestation, nous voulons qu'on sache à Paris que les radicaux du Gard, trop peu nombreux hélas ! pour organiser un mouvement sérieux ne veulent pas qu'on puisse dire qu'ils ont imploré ceux qui complotent le renversement de la République.
Thiers continue à nous envoyer des dépêches impossibles, mais nous sommes confiants dans vos paroles et celles que nous a répétées le citoyen E. Cleray (?) de Paris.
Ah ! si Paris pouvait envoyer dans le midi quelques hommes énergiques éloquents, peut-être donnerions-nous alors un peu de vie à ces corps dont vingt ans de despotisme ont fait des cadavres.
Pour la Société des Amis Sincères de la République.
Le président Cortés
P.S. L'arrivée de votre délégué du 8 c(ouran)t (je crois le citoyen Peyrouton) fait le plus grand bien, ses discours enflamment les cœurs pour les braves parisiens, l'enthousiasme commence à se faire parmi la population républicaine. Je pars pour Tarascon transmettre les paroles du citoyen Peyrouton.
 
 
DOCUMENT   VI
Le problème des adresses de province à  Paris ou Versailles
 
Sur quelques adresses envoyées de province au Gouvernement  de Versailles ou à la Commune.
Ces textes sont pour nous d'importance fondamentale, dans la mesure où, très abondants, ils témoignent de l'attitude prise pendant la lutte entre Paris et Versailles, tantôt par des groupes d'habitants d'une même ville ou d'un même bourg, surtout par des conseils municipaux, dont on voit, surtout après les élections du 30 avril, combien nombreux sont ceux qui sont déjà "républicains", c'est-à-dire bien davantage que ce que nous entendons par ce mot aujourd'hui.
Nos étudiantes en ont retrouvé un certain nombre (ou retrouvé leurs traces), ce qui naturellement est bien loin d'épuiser le sujet. Jeanne  Gaillard de  son côté en reproduit quelques-unes et surtout en signale l'abondance dans les Papiers Thiers qui sont déposés à la Bibliothèque nationale. Il ne nous était pas loisible de les consulter, moins encore d'en faire une systématique étude de contenu.
Néanmoins, nous pouvons, par grandes régions, dresser une toute première liste de ces adresses - évidemment incomplète.   Nous donnons quelques indications sur leur contenu, très résumées, sauf lorsque le texte présente un intérêt certain.   Et l'on verra à travers un exemple - a priori   celui qui devrait être le moins parlant - quelle évolution se retrouve à travers la rédaction de ces adresses : il s'agit des villes de l'Ouest de la France, remarquablement étudiées par Chantal  Giovanetti.   Ses conclusions - qui ne vont pas sans porter une certaine contradiction aux thèses soutenues par J. Gaillard montrent également l'importance que nous avons soulignée de la date des élections municipales des 30 avril -  7 mai. C'est alors au fond que la France est devenue "républicaine".
Il ne nous était pas toujours malheureusement aisé de dater exactement certains textes ; on va voir cependant que cela n'infirme en rien la proposition précédente.
Ceci étant, ce ne sont que des jalons que nous posons, et une étude systématique (de grande ampleur), faite soit sur place, soit à Paris, demeure indispensable et devrait s'accomplir dans un bref délai. On ne saura rien sans cela de la province, du moins urbaine ou urbanisée.
 
Voici, avec parfois le texte intégral, parfois de  simples extraits, les textes dont nous avons pu avoir connaissances   ou dont nous  savons l'existence.


1)  - Adresses que nous ne  saurions dater avec certitude (1)
 
NORD
 
.   Adresse du Conseil municipal de Cambrai.
.   Adresse d'habitants de Valenciennes.
.   Pétition d'habitants de Saint-Omer.
.  Manifeste d'adhésion à la Commune des habitants de Bar-le-Duc.
CENTRE
 
.   Adresse d'habitants de l'arrondissement de La Châtre (Indre) pour "une transaction entre Versailles et la Commune".
.   Adresse de 208 habitants de Châtillon-sur-Seine (Côte d'Or).
 
(...) une liste couverte de 208 signatures a été dressée pendant la résistance de la Commune contre l'armée de Versailles, et si la Commune avait eu le dessus, ces 208 signatures, sous la direction des sieurs (illisible) docteur médecin, et (illisible) bibliothécaire qui devaient être nommés l'un sous-préfet et l'autre receveur des finances, auraient proclamé la Commune à Châtillon-sur-Seine. Il n'a pas été possible de se procurer copie de cette liste dont plusieurs personnes ont affirmé l'existence (…) (2).
 
(1) Voici tout naturellement un point sur lequel il nous est indispensable de faire appel à nos amis et correspondants de province.
(2)Chef de la 24é légion de gendarmerie.
 
 
 MIDI
 
 Adresses de plusieurs conseils municipaux du ressort du Tribunal d'Orange (Vaucluse) 
 
.   Adresse d'habitants du département de l'Ardèche.
.   Adresse des Comités républicains du ressort du Tribunal de   Largentières (Ardèche).
.   Adresse du Conseil municipal de Perthuis (Vaucluse).
.   Adresse du Conseil municipal de Carpentras (Vaucluse).  
 
 
2) - Adresse de mars et avril  1871
 
 
NORD
 
. Adresse d'habitants du Cateau, au début de l'insurrection, demandant "une transaction avec les insurgés".
.  Adresse du Conseil municipal provisoire de Béthune (parue dans L'Ordre, Arras,   31 mars  1871) ; très modérée ; que Thiers et la Commune se réconcilient au sein d'un régime républicain.
. Pétition d'habitants de Boulogne, début avril (publiée dans Le Phare de la Loire, 15 avril 1871, puis dans Le Progrès du Nord).
Réclame l'affirmation de la République, une conciliation "basée sur de larges concessions" et la nécessité pour Versailles de reconnaître à Paris "les libertés municipales les plus larges", et de faire une loi électorale permettant une meilleure répartition des voix. L'Assemblée nationale n'a été élue que pour conclure la paix, elle doit laisser la place à une Constituante élue dans des conditions normales.   On fait l'éloge de Paris "l'héroïque cité qui a soutenu pendant cinq mois l'honneur du nom français".
. Adresse du Progrès et de l'Echo du Nord, à laquelle la ville de Roubaix adhère le 15 avril (Le Travailleur du Nord, 5 et 8 avril 1871), émanant en fait de la municipalité de Lille.
Elle ne comporte aucun blâme pour l'insurrection, réclame la conciliation entre Paris et Versailles, une loi municipale qui permettrait à toutes les municipalités de choisir leur maire et de jouir de plus de libertés, une loi réformant le découpage électoral et restituant aux villes leur juste représentation, par rapport :notamment aux campagnes. Affirmation décisive de la République contre toute forme de monarchie.
.   Adresse du Conseil municipal de Boulogne.
.   Pétition d'habitants de Saint-Soupplets (Nord). Elle émet le voeu "qu'une entente loyale et conciliante réunisse l'Assemblée et les Républicains honnêtes et qu'ensemble ils travaillent à l'affirmation et à la constitution de la République, seule forme de gouvernement qui puisse assurer l'ordre et la Liberté".
 
   CENTRE
 
.  Pétition d'habitants de Dijon.  Elle a rencontré  "l'adhésion unanime de la population", et est un appel en faveur de la conciliation.   L'Assemblée nationale est accusée de négligence lorsqu'on a l'honneur de représenter un pays comme la France, on a des devoirs à remplir, devoirs que vous paraissez oublier. (…).  Il faut avant tout affirmer les "droits du Peuple et de la République".
 
    MIDI
 
.  Adresse de la municipalité de Castelnau-Magnoac (Haute Pyrénées).
.   8 avril, adresse du Conseil municipal d'Auch au chef de l'état, "séditieuse et inconvenante". Elle réclame la cessation des hostilités, la proclamation de la République, la dissolution, la paix faite, de l'Assemblée nationale.
 
 
OUEST
 
Fin mars
 
.  Conseil municipal d’Orléans
.  Conseil municipal de  Tours 
.  Conseil municipal   de Nantes
.  Conseil municipal de Brest
.  Conseil municipal de Rennes
.  Comité républicain de Nantes
101
 
Courant avril
.   Comité Républicain démocratique de
Saint-Nazaire
.   Loge "La Libre Conscience", Nantes
 .  Négociants, propriétaires et industriels de     
Cognac 
.   Conseil municipal de Brest 
.   Conseil municipal de Fontenay-le-Comte
.   Conseil municipal de Saint-Maixent
On en trouvera une brève analyse un peu plus loin.
3) - Mai
 
NORD
 
7 mai, adresse d'habitants de Calais pour une conciliation par une trêve.
 
APPEL A LA CONCILIATION
Adressé à Monsieur le Président du Conseil, chef du pouvoir exécutif de la République française.
Monsieur le Président de l'Assemblée nationale. Source : C  2883
 
Messieurs,
 
Nous voulons la fin de la guerre civile, la reprise des affaires, le salut de la France et de la République. La France veut une trêve qui, laissant aux passions le temps de s'apaiser, permette  à la raison de reprendre son empire et de s'imposer à tous.  Sur ce terrain, pas de désaccord. D'un bout à l'autre de la France, - nous en puisons la conviction dans les dernières élections -, ce désir de voir cesser la guerre civile par l'affermissement de la République et l'extension
102-
des franchises communales, à toutes les villes indistinctement, est absolu dans tous les esprits, comme dans tous les cœurs. C'est ce sentiment général que nous partageons, dont nous vous apportons l'expression, laissant à votre sagesse et à votre patriotisme le devoir d'y donner la prompte et légitime satisfaction qu'il réclame.
N.B.   Les signatures d'adhésion sont reçues :
À Calais, chez Messieurs Laurier, parfumeur, Place d'Armes ; Legrand, libraire, Place d'Armes ; Ravisse, bijoutier, rue Royale ; et chez les débitants de tabac, excepté Monsieur Hénon-Sébelle.
À Saint-Pierre, chez Monsieur Drouard, horloger, et chez tous les débitants de tabac.
 
MIDI
 
.   Adresse de dix-sept conseils municipaux du département de l'Ardèche contre Versailles et pour la Commune.
.   Adresse dans le même sens de gardes nationaux de Privas, Annonay et Aubenas.
 
SUD-OUEST
 
.   Postérieurement au 30 avril, adresse "très modérée" du Conseil municipal d'Agen pour la conclusion d'un armistice entre les deux parties.
.   6 mai Adresse du Conseil municipal de Sarlat.
Source : C 2884
 
Les conseillers municipaux (…) ne pactiseront jamais avec aucune monarchie, ils veulent la République une et indivisible qui est la seule forme de gouvernement compatible avec le Suffrage Universel.
Ils demandent la pacification de la France basée sur la reconnaissance du droit des Communes d'administrer leurs intérêts locaux, sur des déclarations non équivoques que la République est hors de controverse, et sur des actes conformes à ces déclarations : cesser par exemple de remplacer les fonctionnaires républicains par des monarchistes avérés et tolérer la présence et les intrigues des Orléanistes sur le territoire de la République.
Ils sont prêts à se joindre aux autres villes et Communes de France pour faire des démarches de conciliation à Versailles et à Paris.
Assez de sang coulé, il n'est que temps que la guerre civile ait un terme.
Vive la République une et indivisible
 
.   Adresse du Conseil municipal de Pamiers demandant la cessation des hostilités et l'octroi des "franchises communales comme un droit légitime et naturel" et son extension "à toutes les communes de France".
.  Adresse du Conseil municipal de Lavelanet.
Source : C 2884
(...) Hâtez-vous de mettre un terme aux maux de la guerre civile en désarmant Paris par la conciliation.  Paris méritait mieux que d'être traité en ennemi.   Bientôt à votre place siégera une nouvelle assemblée dont le soin sera de juger vos actes.
S'il en est temps encore, évitez l'accumulation de haine et de rancunes dont l'assouvissement nous conduira à la plus forte    convulsion.
.   8 mai, Adresse du Conseil municipal de Castres.
Source : ibid.
(...) Que l'Assemblée nationale proclame la République une et indivisible, seule capable de fermer l'ère des Révolutions (...) et que le Gouvernement mette en oeuvre tous les moyens de pacification capables de  mettre fin à la lutte déplorable qui afflige tous les coeurs français (...).
 
.   Adresse de la Garde nationale de Castres.
Source : ibid.
Adresse des Citoyens, officiers de la Garde nationale de Castres, au citoyen, chef du Pouvoir exécutif et au citoyen président de l'Assemblée nationale.
La France mutilée et expirante vous fait un patriotique devoir de demander :
1° - de repousser tout gouvernement monarchique,
2°  - de déclarer traître à la patrie, fauteur de désordre, d'anarchie et de guerre civile, tout citoyen quel que soit son rang, qui tenterait de remettre la France sous la domination d'une dynastie quelconque, le règne des tyrans ayant fini avec la chute de l'homme de Sedan.
 
3° - de proclamer immédiatement et solennellement la République une et indivisible qui peut seule cicatriser les plaies faites par toutes les monarchies à notre malheureuse patrie.
Les soussignés, s'appuyant sur les votes du 30 avril et du 9 (probablement 7) mai comptent sur votre ardent et patriotique dévouement pour arrêter sans plus de retard cette déchirante lutte fratricide que rien ne justifiera quand vous aurez poussé ce sublime cri de salut, de paix et de fraternité.
 
=       L'OUEST : Le problème de l'évolution des adresses dans le temps.
On donne ici un extrait tout à fait caractéristique du Mémoire de Chantal  Giovanetti, p. 141-146.
 
"Pour essayer de préciser le climat politique de l'Ouest, il nous a semblé intéressant d'examiner les diverses adresses  envoyées à Versailles par les Conseils municipaux, ou par des groupes de citoyens, qu'ils soient républicains de longue date, ou récemment ralliés au nouveau régime (...).
Elles témoignent toutes en premier lieu d'une violente indignation :
"La France en deuil commençait à se recueillir et s'efforçait de panser ses blessures à l'ombre du drapeau national porté par les élus du pays.   C'est en ce moment que des insensés et des misérables ont osé lever un sinistre étendard symbole de honte et de ruine (Orléans, mars)."
Le comité républicain de Nantes "condamne énergiquement les atteintes à la liberté individuelle   à la liberté de la presse, les exécutions sommaires   et les fusillades en pleine rue, qui ont ému et épouvanté tous les esprits loyaux et véritablement républicains (mars).
Elles accusent Paris de compromettre "l'existence de la République en fournissant les prétextes les plus regrettables aux pensées réactionnaires" (Conseil municipal de Brest, mars), et de "tenter sous les yeux de l'ennemi d'allumer la guerre civile " (Conseil municipal de Rennes, mars). Pour ces raisons, les Communards sont considérés comme "les plus cruels ennemis de la République et de toute société organisée" (Conseil municipal de Nantes, mars).
Elles reprochent également à la capitale de vouloir se placer au-dessus du Suffrage universel :
"Quand l'ennemi occupe encore notre territoire, quand les dernières élections ont été libres, il ne peut y avoir d'autre drapeau que celui de la représentation nationale et du pouvoir qu'elle a choisi. Toute agitation qui tend à renverser ce pouvoir est donc une révolte contre le suffrage universel, contre la République, contre le pays" (Conseil municipal  d'Orléans, mars).
Pour faire face au danger que représente ce mouvement, "tous les citoyens doivent se presser autour de leurs représentants pour mettre fin à une lutte impie" (Conseil municipal  de Tours, mars), et les différents conseils municipaux affirment leur "dévouement absolu " et leur "concours le plus dévoué" (Conseil municipal de Brest) à l'Assemblée nationale.
 
Vers  la fin du mois d'avril, le ton change, la consternation devant la prolongation du conflit domine. On commence à réclamer avec de plus en plus d'insistance la cessation des hostilités entre la Commune et l'Assemblée : "La France voit avec douleur cette lutte fratricide où des deux côtés coule le sang de ses enfants. Si des fautes ont été commises, qu'elles soient couvertes par l'oubli.   C'est à ceux qui ont en main le pouvoir légal qu'il appartient de se montrer magnanimes" (Commerçants de Vannes, fin avril) (...).
L'adresse envoyée par le conseil municipal de Brest est caractéristique de cette évolution (…) :
 
Au Peuple de Paris
Comme Parisiens, vous voulez avoir au même titre que nous votre autonomie municipale, nous le voulons avec vous.  Comme Français, vous répudiez tout essai de coup d'état, nous le répudions nous-mêmes. Mais ne touchez pas au lien national : ne confondez pas les choses de la Commune que la Commune a le droit de gérer avec les choses de l'Etat qui relèvent de la France entière (...). Peuple de Paris, nous voulons pour vous le droit commun, ne demandez pas le privilège"
À l'Assemblée nationale, le conseil municipal de Brest dit :
"(…) Derrière les indignes convoitises et les passions inavouables, il y a, à Paris, de respectables appréhensions (...). Le chef du pouvoir exécutif l'a bien compris, députés de la  France, comprenez-le de même : ne laissez donc subsister aucune incertitude sur la portée de votre mandat (…).
L'action de l'Assemblée nationale est critiquée : "Vous avez été nommés  pour  terminer cette guerre désastreuse : vous avez accompli votre mission   .   Des mesures que vous croyez avoir pris dans l'intérêt de l'ordre ont soulevé Paris et déclenché la guerre civile" (Républicains d'Angers, avril). Les citoyens de Tours vont jusqu'à réclamer "la dissolution de l'Assemblée nationale,  nommée uniquement pour traiter la paix et la guerre,  et dont le mandat est expiré par la conclusion de la paix". Certains, s'ils sont loin d'approuver la Commune, lui trouvent des excuses, lorsqu'ils "considèrent la marche des affaires publiques, le soin avec lequel les fonctionnaires suspects de Républicanisme sont éliminés et remplacés par les anciens serviteurs de la monarchie, lorsqu'ils voient les intrigues dynastiques s'organisant presque ouvertement, n'attendant que la chute de Paris pour s'élancer dans l'arène et se disputer la France comme une proie" (Conseil municipal de Breloux, Deux-Sèvres, mai),
 
 
 
         DOCUMENT   VII
                             Les   Congrès de conciliation
                     Bordeaux   Lyon   Moulins   Chartres ?
1) – Bordeaux : 25 avril 1871.  Appel pour un Congrès de la "Ligue patriotique des villes républicaines".
Source : C 2882.   Le texte est également reproduit par Jacques Girault, La Commune et Bordeaux, 1870-1871, p. 256-258.
 
Un Comité provisoire s'est formé à Bordeaux pour la convocation d'un Congrès de délégués des villes de France, dans le but de délibérer sur les mesures les plus propres à terminer la guerre civile, assurer les franchises municipales et consolider la République.
On l'a dit, et nous ne saurions trop le répéter, les grandes villes sont peu ou point représentées dans l'Assemblée de Versailles. La qualification de rurale  donnée à cette assemblée est presque mathématiquement exacte.
Cependant, il est évident pour tous, que la guerre civile qui dévore la France n'a d'autre cause certaine que la revendication, par la capitale, des franchises municipales et des garanties matérielles nécessaires pour assurer leur maintien.
L'opinion des villes peut varier sur certains des actes et des hommes de l'Hôtel de ville de Paris, mais elle paraît unanime pour exiger la plus large extension de l'autonomie communale et la proclamation immédiate de la République. Le silence général par lequel les villes ont répondu à l'appel fait par Versailles, aux volontaires gardes nationaux, destinés à opérer contre Paris, ne peut laisser aucun doute sur l'esprit qui les anime (1).
Les villes sont unanimes à réprouver cette guerre civile, où les arguments d'une discussion loyale sont remplacés par le massacre et le bombardement.
Il paraîtrait oiseux de répéter qu'aucun gouvernement ne peut être stable s'il gouverne malgré et contre les villes.   La force brute et inconsciente, organisée par le despotisme d'un monarque ou d'une assemblée, peut comprimer momentanément la force intelligente des villes, mais la revanche de celles-ci est inévitable. Cet antagonisme est la cause de tous les désordres, de toutes les révolutions. Il ne peut cesser que par l'adoption et l'application de lois nouvelles.
Ces lois seront toujours incomplètes et illusoires quand elles n'auront été discutées et votées que par une des parties se constituant juge de sa propre cause.
Les villes doivent donc être entendues, après s'être concertées. Mais ici encore l'arsenal des lois anciennes les enserre dans un cercle fatal, dont elles ne peuvent sortir sans violer la légalité au nom de laquelle elles peuvent être bombardées, en vertu de l'axiome : " il faut que force reste à la loi".
Les villes ne peuvent discuter en commun sur leurs intérêts par l'organe de leurs représentants légaux, par leurs conseils municipaux. Ceux-ci ne peuvent correspondre entre eux sans compromettre "l'ordre public".
Mais ce que la loi défend aux conseillers municipaux agissant comme corps constitués, ils peuvent le faire comme simples citoyens, ne cherchant leur consécration que dans la confiance dont ils ont été honorés.  Le Congrès dont la réunion est provoquée sera tout autant dans la légalité  que les congrès scientifiques et littéraires et que l'ancien Congrès de la paix réuni à Versailles sous l'Empire.
Nous recommandons, en conséquence, la propagation de la convocation à tous nos confrères et à tous les citoyens désireux de voir renaître la paix intérieure et de l'asseoir sur des bases solides et stables.
 
(1) Appel qui d'ailleurs n'a en aucune façon été écouté ni entendu, même dans l'Ouest.
 
Programme du Congrès
 
Article premier. - Un Congrès de délégués des villes de France est convoqué à Bordeaux dans le but de délibérer sur les mesures les plus propres à terminer la guerre civile, assurer les franchises municipales et consolider la République.
Article 2.   Chaque ville enverra un délégué par 20.000 habitants, Toutefois une fraction supplémentaire excédant 5. 000 habitants donnera droit à un délégué de plus.   Les chefs-lieux de départements ou d'arrondissements de moins de 20. 000 habitants enverront chacun un délégué.
Article 3.   -  Les   délégués devant être naturellement indiqués par le suffrage des citoyens, les invitations nominatives seront adressées aux conseillers municipaux nommés aux élections du 30 avril 1871, en suivant l'ordre du tableau, jusqu'à concurrence du nombre des représentants auquel la ville aura droit et jusqu'à épuisement des listes, en cas de refus, décès, démission ou empêchement des premiers  inscrits.
Article 4.   - Afin  de prévenir toute objection à la légalité de ses assemblées, le Congrès conservera le caractère de réunion privée.  Nul n'y sera admis que ses membres, les représentants de la presse et autres personnes invitées par son bureau.
Article 5.   - Le Congrès se réunira à Bordeaux le 15 mai 1871»
Article 6.   - Une souscription sera ouverte dans chaque ville pour subvenir aux dépenses du Congrès, proportionnellement au nombre des délégués de chacune.
Article 7.   »  Les électeurs, les comités les journaux sont invités à répandre cette convocation et à assurer la réunion du Congrès.
Bordeaux, le 25 avril 1871
Le comité d’organisation
Léon Billot, journaliste ; J. Chevalier, négociant ; D.   Cousteau, armateur ; P. A. Delboy, conseiller municipal sortant ; E.   Deligny, ingénieur civil ; Delpuget, négociant ; O.   Lureau, capitaine de la Garde nationale ; P.P. Martin, négociant ; Millour, chef de bataillon de la Garde nationale ; Parabere, idem; Docteur Paulet, conseiller municipal sortant ; Peychez, journaliste ; J. Roussel, négociant ;0. Sarraut, journaliste ; Saugeon, ancien conseiller général de la Gironde;  Tresse, propriétaire.
Si le Congrès de Bordeaux n'a pu avoir lieu, l'Assemblée nationale et les pouvoirs établis tendant à le considérer comme un "dangereux rival", d'autres Congrès devaient se tenir dans diverses villes de France, Nantes ou Angers, Lille ou Arras …. (1). Seul put avoir lieu le Congrès de Lyon, le 14 mai, et encore dans des conditions excessivement précaires, chez l'avocat Ferrouillat, comme réunion d'individualités, et non comme congrès des représentants des municipalités.
2) - Le Congrès du 14 mai à Lyon
Sources : André Lefèvre, Histoire de la Ligue d'Union républicaine des Droits de Paris.
O. Testut. L'Internationale et le jacobinisme au ban de l'Empire, t.  II, p. 418-420.
 
(1) Voir sur ce point A. Lefèvre, Histoire de la Ligue d'Union républicaine des Droits de Paris,   1881, p.   269-270, note 1.
Le Congrès de Bordeaux avait été interdit en ces termes :
"Un comité provisoire formé à Bordeaux convoque à bref délai un Congrès de la Ligue patriotique des villes républicaines. Le comité décide dans son programme, que chaque ville républicaine aura un délégué sur vingt mille habitants, et que ces délégués seront pris parmi les conseillers municipaux nommés aux élections du 30 avril 1871. Ce congrès est donc une réunion de divers conseils municipaux délibérant entre eux sur les affaires de l'Etat, et il tombe sous l'application de l'article 25 de la loi du 5 mai 1855, qui est ainsi conçu : "Tout conseil municipal qui se mettrait en correspondance avec un ou plusieurs autres conseils, ou qui publierait des proclamations ou adresse, sera immédiatement suspendu par le préfet". En outre, les déclarations publiées en même temps que leur programme par les membres du Comité d'organisation établissant que le but de l'Association est de décider entre l'insurrection, d'une part, et le Gouvernement et l'Assemblée, de l'autre, et substituant ainsi l'autorité de là Ligue à celle de l'Assemblée nationale, le devoir du Gouvernement est d'user des pouvoirs que lui confère la loi du10 avril 1834 C'est un devoir auquel on peut être assuré qu'il ne faillira pas. Il trahirait l'Assemblée, la France et la civilisation, s'il laissait se constituer, à côté du pouvoir régulier issu du suffrage universel, les assises du communisme et de la rébellion. '' Voir également p. 114, le document h, et le document d, p. 116
113-
a/  Appel du 5 mai
 
REPUBLIQUE FRANÇAISE COMMUNE DE LYON
Lyon, le 5 mai 1871
Citoyens,
La France n'a pu assister impassible à la guerre fratricide qui se poursuit entre Paris et Versailles.
De tous côtés des adresses ont été envoyées à l'Assemblée et à la Commune pour leur porter des paroles d'apaisement ; après les adresses, des délégations.   Ces voix isolées se sont perdues dans les bruits du combat.  Il faut parler plus haut, il faut que la grande voix de la France s'élève et fasse taire enfin celle du canon.
Assez de sang répandu, assez de ruines, assez de deuils I  Faudra-t-il donc que les Français consomment l'œuvre de destruction que la haine de l'étranger avait rêvée et qu'elle semble n'avoir laissée inachevée que pour nous réserver l'éternel remords de l'avoir accomplie?
Paris, assiégé par une armée française après l'avoir été par les hordes prussiennes, tend, une fois encore, ses mains vers la province. Il ne sollicite pas son concours armé, mais son appui moral. Il demande que son autorité pacifique s'interpose pour désarmer les combattants. La province pourrait-elle rester sourde à ce suprême appel  ?
Paris n'est pas la Commune, mais, tout en désapprouvant ses excès, Paris veut les libertés municipales comme base de la République ? La cause qu'il défend est celle de toutes les villes de France. Comment pourraient-elles ne pas Intervenir dans un conflit où leurs intérêts les plus précieux sont engagés ? Quel esprit impartial pourrait soutenir que leurs tendances, leurs aspirations sont réellement représentées par l'Assemblée ? Comment dès lors n'auraient-elles pas le droit et le devoir de faire entendre leurs voeux  ?
114-
Ces vœux, d'ailleurs, ne sont-ils pas ceux du pays tout entier ? Les élections municipales qui viennent de s'accomplir peuvent-elles avoir un autre sens ? En dépit des terreurs que la guerre civile pouvait projeter sur le scrutin,ne crient-elles pas à l'Assemblée : Paix et liberté  ?
C'est sous l'inspiration de ces pensées que Lyon a résolu de former dans son sein un congrès où il invite toutes les municipalités à envoyer des délégués.   Ces délégués auront à se concerter sur les meilleures mesures à prendre pour faire cesser la guerre civile, assurer les franchises municipales et affermir la République.
Le Congrès s'ouvrira dimanche 14 mai, à midi, au Grand Théâtre, où devront se présenter les délégués, munis de leurs pouvoirs.
Nous comptons sur votre empressement à répondre à notre appel. D'une prompte intervention peut dépendre le salut de la France et de la République.
Recevez, chers concitoyens, nos salutations fraternelles.
Les membres de l'ancien conseil municipal :
Barodet ; Barbecot ; Baudy ; Bouchu ; Bouvatier ; Brialou ; Chepié ; Colon ; Condamin ; Chaverot ; Cottin ; Crestin ; Degoulet ; Despeignes ; Durand ; Ferrouillat ; Fertoret ; Hénon (membre du conseil sortant) ; Hivert ; Michaud ; Outhier ; Pascot ; Ruffin ; Vaille ; Vallier ; Chapuis et Verrières, élus du 30 avril, démissionnaires.
 
b/  Appel du 7 mai
Lyon, le 7 mai    1871
 
Monsieur et cher concitoyen,
Notre Congrès s'ouvre dimanche prochain 14 courant. Je vous envoie une copie de l'invitation que nous avons adressée aux municipalités.
-115-
Un congrès semblable se réunit à Bordeaux.  Nous pensons que Lille devrait aussi rallier les municipalités du Nord, et Nantes celles de l'Ouest.  Il serait aisé ensuite aux quatre congrès de se donner rendez-vous à Versailles à une date déterminée (...).
Espérons que cette solennelle manifestation de l'opinion du pays tout entier triomphera de l'Assemblée et du Gouvernement, et les  contraindra a une transaction où la liberté et la République trouveront le salut.
Bien à vous
 
J.  Ferrouillat
 
 
c/ Adresse de la réunion du 14 mai à Thiers, Congrès de Lyon
Au chef du pouvoir exécutif de la République française, à la Commune de Paris
Les délégués, membres des conseils municipaux de seize départements réunis à Lyon,
Au nom des populations qu'ils représentent, affirment la République comme seul Gouvernement légitime et possible du pays, l'autonomie communale comme la seule base du gouvernement et demandent :
La cessation des hostilités ;
La dissolution de l'Assemblée nationale, dont le mandat est terminé, la paix étant signée.
La dissolution de la Commune ;
Des élections municipales dans Paris ;
Les élections pour une Constituante dans la France entière.
116-
Dans le cas où ces résolutions seraient repoussées par l'Assemblée ou par la Commune, ils rendraient responsables devant la nation souveraine celui des deux combattants qui refuserait et menacerait ainsi de donner à la guerre civile de nouveaux aliments.
Ont signé les délégués des départements suivants :
Ardèche, Bouches-du-Rhône, Cher, Drôme, Gard, Hérault, Isère, Loire, Haute-Loire, Nièvre, Pyrénées-Orientales, Rhône, Saône-et-Loire, Savoie, Var, Vaucluse.
d/ Extraits du compte-rendu fait le 20 mai devant les membres de la Ligue d'Union républicaine des Droits de Paris par Ferrouillat de la réunion lyonnaise du 14 (1).
Source : A.   Lefèvre, op. cit., p.   268 - 277
 
"M.  Ferrouillat s'exprima en ces termes :
Ce n'est pas sans émotion que je me retrouve au milieu de vous. Depuis notre premier voyage, nous n'avons cessé d'être de coeur et d'esprit avec la Ligue.   Vous pensiez qu'une action collective aurait auprès des belligérants plus de poids que les efforts isolés de délégations particulières ; et nous sommes partis avec la ferme volonté de suivre le conseil que les délégués de Bordeaux après nous reçurent aussi de votre comité ; nous étions résolus à provoquer et à organiser l'accord des conseillers municipaux républicains (2).
Sur l'histoire détaillée de la Ligue d'Union républicaine, voir non seulement l'ouvrage cité d'A. Lefèvre, mais également J. Gaillard. "Les papiers de la Ligue républicaine des Droits de Paris", Mouvement Social,   1966, n°56, juillet-septembre, p. 65-87.
Les délégués de Lyon, dont Ferrouillat, avaient été reçus par la Ligue le  17 avril, et publièrent un manifeste. Ceux de Bordeaux le furent le 29 avril.
Une lettre (...) nous apprit l'adhésion de Bordeaux à l'idée du Congrès ; et Bordeaux ne tarda pas en effet à prendre l'initiative de la convocation.   Mais il était difficile d'attirer toute la France sur un seul point du territoire, surtout si éloigné du centre.   Il nous parut plus pratique de laisser les régions se grouper à leur convenance à Bordeaux, à Lyon, à Nantes ou à Angers, à Lille ou à Arras.
L'entente de ces quatre grands congrès aurait constitué une imposante fédération d'où serait sorti le salut du pays.
C'est ce que le Gouvernement eut le triste et facile talent de prévoir et d'empêcher ; il frappa d'interdit les congrès projetés ; et diverses mesures d'intimidation découragèrent un grand nombre de villes. Les correspondances furent saisies ;   les trois-quarts au moins de nos envois n'arrivèrent pas à destination ; l'invitation ne parvint pas à Grenoble ; et c'est par hasard que les délégués des Pyrénées-Orientales, envoyés à la découverte, se trouvèrent présents à Lyon le jour où nous ouvrions le congrès.   Le parquet poursuivait les journaux ; le Progrès fut saisi pour avoir affirmé la légalité de la réunion qui se préparait.  En même temps, des lettres de vos délégués, MM.   Floquet et Corbon nous informaient que Bordeaux, renonçant à l'action, entendait se borner à une sorte de congrès moral, à une campagne de pétition et d'adresses.
La situation était délicate.  Nous jugeâmes qu'il fallait renoncer à une démonstration officielle.   Une réunion dans la salle du théâtre aurait engagé la municipalité dans un conflit inévitable.   D'autre part, la grandeur du local, si le nombre nous eût fait défaut, aurait pu diminuer sinon annuler l'effet du congrès.
Cependant, fermement décidés à ne pas nous abstenir, nous écrivîmes au ministre, grand partisan jadis du droit de réunion (1) que notre convocation s'adressait non pas à des corps municipaux, mais à des conseillers ;  c'est-à-dire à des notables dont la présence pouvait donner une autorité incontestable aux voeux que nous entendions formuler ; que nous restions ainsi dans la légalité stricte, dans ce droit commun dont aucun citoyen ne peut être frustré.: Au reste, ajoutions-nous,
(1) Il s'agit évidemment d'Ernest Picard, ministre de l'Intérieur.


on ne pouvait transformer en fauteurs du communisme et de la rébellion ceux-là même qui cherchaient à arrêter l'effusion du sang et de la guerre civile.
Et, sans attendre la réponse, nous avons marché (...). Nous opérions dans une situation difficile, entre les élections manquées du 30 avril et celles du 7 mai.
Le mouvement de La Guillotière avait troublé le scrutin (...). Les sections de vote furent désertées     Les élus eux-mêmes, en donnant leur démission, reconnurent la nullité des élections, que le préfet était disposé à casser.
Comme le parti républicain était resté sur le carreau, et avec lui tous les délégués lyonnais qui, peu de jours avant, se présentaient au nom du conseil à Versailles et à Paris (1), nous étions d'autant mieux fondés a. dire au ministre : ce n'est pas à titre de conseillers, nous ne le sommes plus, c'est  à  titre de notables que nous convoquons nos concitoyens.
Vinrent les élections du 7, qui nous ressuscitèrent tous, et nous pûmes nous donner le plaisir d'écrire à M.  Picard qu'il s'était trop hâté d'annoncer à la Chambre notre déchéance.
Ayant renoncé au Grand Théâtre, nous nous arrêtâmes à une réunion privée (...).
La réunion eut donc lieu chez M.Ferrouillat ; 70 délégués environ y représentaient, par fractions inégales, seize départements (...). Les deux délégués du Gard, élus dans un congrès préparatoire, représentaient la totalité de leur département.   Si cet exemple était suivi à l'avenir, moins de deux cents citoyens suffiraient à représenter toute la France républicaine. En somme, les délégués présents étaient l'expression sincère de la majorité dans le Sud-Est de la France.
La discussion, très vive, très passionnée, aboutit à la rédaction d'une adresse laconique à M.Thiers et à la Commune.
(1) Les 29 et 30 avril 1871.
Ici lecture de l'adresse reproduite au paragraphe c)
Cette pièce, comme vous l'avez pu voir, affirme la République fondée sur les franchises municipales, mais sans en solliciter la reconnaissance, parce qu'une promesse    de l'Assemblée serait sans valeur et qu'un tel acte est réservé à une Constituante. La paix, la dissolution des deux pouvoirs rivaux, des élections nouvelles, telles sont les conclusions du congrès, qui rejette toute la responsabilité des maux à venir sur celui des deux partis qui n'accéderait pas à de si justes propositions.
Les membres du Congrès se sont énergiquement prononcés en faveur de Paris. Ils craignent que l'obstination d'un pouvoir réactionnaire n'étende la guerre civile à toute une moitié de la France.   C'est pourquoi, tout en désignant dix des leurs pour porter leurs observations à Versailles et à la Commune, ils n'ont pas regardé leur œuvre comme terminée.   Les délégués de Lyon ont été constitués en bureau central et permanent chargé de recueillir les adhésions contresignées par les délégués des autres villes.   Ainsi s'entretiendra l'agitation féconde que le pouvoir a momentanément entravée (...).
Versailles, d'où nous venons, est figé, cristallisé ; M.   Thiers est immuable, invariable dans le thème qu'il s'est fait : libéralisme de l'Assemblée, héroïsme de l'armée ; il se répète avec une exactitude stupéfiante. (…)   Lui parle-t-on d'une entente, non avec, la Commune, mais avec Paris, avec l'opinion que représente la Ligue. Il affecte de ne pas comprendre.   Son refus est absolu. (...)
Bientôt une nouvelle convocation sera faite à Lyon. (...) Une nouvelle réunion de factieux, d'insurgés, sans doute accrue, renverra peut-être à Versailles  de nouveaux délégués. (...)
La France, au reste, tient peu de compte des volontés d'un pouvoir auquel elle n'a pas délégué tous ses droits. C'est ainsi que la loi municipale du 14 avril a été ouvertement bravée par de nombreuses villes. Cette loi, moralement, est morte. Lyon a nommé son maire et ses adjoints. (...)
 
3) - Congrès des journalistes radicaux à Moulins des 17 et 18 mai
Au vu des sources parisiennes, ce Congrès nous reste pratiquement inconnu ; on sait seulement :
1 - qu'il a été convoqué par appel du journal La Liberté de l'Hérault et du Gard (cf. Le Phare de la Loire, n°15.559, 11 mai,   "A la presse départementale").
2  - qu'y appelaient les journaux suivants, qui sans doute s'y firent représenter :
Source : Rapport Martial Delpit, Enquête, p.  155, t.1.
= Les Droits de l'Homme, Montpellier
= Le Progrès, Lyon
= L'Emancipation, Toulouse
- L'Egalité, Marseille
= Le Havre, Havre
= Le Franc-Parleur, Caen
= Le Républicain d'Indre-et-Loire, Tours
= Le Progrès de Saône-et-Loire, Chalon-sur-Saône
~ L'Alliance Républicaine, Macon
= La Liberté de l'Yonne, Auxerre
= Le Réveil du Dauphiné, Grenoble
= Le Contribuable, Rochefort
= Le Républicain de la France centrale, Clermont- Ferrand
= Le Républicain de l'Allier, Moulins
= La Dépêche, Toulouse
= Le Moniteur de la Manche, Valognes
= Le Républicain de l'Aveyron, Rodez
 = Le Progrès du Var, Toulon
= Le Phare du Morbihan, Lorient
= Les Pyrénées, Tarbes
= L'Alliance Républicaine, Alger
= L'Indépendant, Constantine
= L'Eclaireur, Saint-Affrique
= Le Républicain du Jura, Lons-le-Saulnier
= La Démocratie du Midi, Avignon
= Le Patriote Albigeois, Albi
= La Tribune Nivernaise, Nevers
= Le Gard Républicain, Nîmes
= Le Réveil de Lot-et-Garonne, Agen
= L'Est, Besançon
= Le Journal de LuneL, Lunel (Hérault)
= L'Indépendant, Lodève
=L'Indépendant des Pyrénées-Orientales, Perpignan
= L'Eclaireur, Saint-Etienne
= Le Phare de la Loire, Nantes
= L'Union démocratique, Nantes   (1)
= La Feuille du Village, Le Mans
= Le Vrai Républicain, Marseille
= Le Réveil de la Saintonge, Saint-Jean-d'Angély
(Charente-Maritime)
= L'Avenir, Rennes
= Le Républicain landais, Mont-de-Marsan
= La Tribune, Bordeaux
= La Défense républicaine, Limoges
= L'Indépendant de la Savoie, Chambéry
= Le Courrier de Roanne, Roanne
= Le Réveil de l'Ardèche, Privas
= L'Ardèche, Annonay
= Le Chablis Républicain, Bonneville (Haute-Savoie)?
= Le Patriote, Angers
= La   Liberté de l'Hérault et du Gard, Montpellier
 
3.   -  qu'on y prit principalement les décisions suivantes (2)
  1°  - Cessation immédiate des hostilités
  
2° - Dans le plus bref délai, élection à Paris d'un nouveau Conseil municipal et appel au suffrage de toute la France pour nommer une nouvelle assemblée chargée de constituer la République.
 
(1) On sait par ailleurs que son directeur, le socialiste Cantagrel a été personnellement présent au Congrès de Moulins.
 
(2) Mémoire de Claude   Orio, p.122.
 
 
4) - Congrès de la Franc-maçonnerie, prévu à Chartres pour le 10 mai
Il est fort possible que ce Congrès n'ait jamais eu lieu.
On trouve souvent néanmoins traces de l'activité des francs-maçons : ainsi les Loges de ROUEN ont-elles publié le 26 avril un manifeste d'adhésion au manifeste de la Franc-maçonnerie parisienne du 8 avril :
Les membres de la Franc-Maçonnerie rouennaise ont tenu, le 26 avril, une séance générale, sous la présidence de M.   Desseaux.
Ils ont adopté la résolution que nous  publions et qui a été adressée à Paris et à Versailles (1) :
Les Francs-Maçons de Rouen, réunis en Assemblée générale, convaincus que la paix, c'est-à-dire l'apaisement des haines sociales, la reprise du travail et du commerce, le rétablissement de l'économie dans les finances, les conquêtes de l'industrie et de la science, les nobles labeurs de l'agriculture, est un besoin impérieux pour la France,
Déclarent donner l'adhésion la plus complète au Manifeste du Conseil de l'Ordre de la Maçonnerie française.
 
(1) Mémoire de Patricia Nouchimowitz, t.  II, p. 214, d'après le journal Le Travailleur du Nord,   9 mai 18 71.
 
           MANIFESTE DE LA FRANC-MAÇONNERIE
                               Paris, le 8 avril 1871
En présence des événements douloureux devant lesquels la France entière gémit, en présence de ce sang précieux qui coule par torrents, la Franc-Maçonnerie qui représente les idées d'humanité, et qui les a répandues dans le monde, vient une fois encore affirmer devant vous, gouvernement et membres de l'assemblée, devant vous, membres de la Commune, les grands principes qui font sa loi, et qui doivent être la loi de tout homme qui a un cœur d'homme.
Le drapeau de la Maçonnerie porte, inscrite sur ses plis, la noble devise : Liberté, Egalité, Fraternité.
La Franc-Maçonnerie prêche la paix parmi les hommes, et au nom de l'humanité, proclame l'inviolabilité de la vie humaine.
La Franc-Maçonnerie maudit toutes les guerres, elle ne saurait assez gémir sur les guerres civiles.
(...) Arrêtez   l'effusion de sang (…), posez les bases d'une paix définitive qui soit l'aurore d'un avenir nouveau (...).
La Franc-Maçonnerie de Châlons-sur-Marne s'est également manifestée le 8 mai 1871, et propose précisément la tenue d'un congrès à Chartres.
" La démarche faite par la Franc-Maçonnerie de Paris dans le but d'arrêter l'effusion du sang n'a pas abouti (3).   Peut-être le Gouvernement de Versailles a-t-il pensé que cette démarché émanant de loges de Paris pourrait n'être point spontanée, et qu'elle se ressentirait de l'influence de la Commune.
Vous tous, nous tous, francs-maçons de la province qui partageons les idées de paix et de conciliation de nos frères de Paris, nous devons nous associer à ce qu'ils ont fait par une grande et pacifique manifestation (...).
Nous nous proposons d'envoyer dans le plus bref délai un délégué de chaque atelier à Chartres.  Ces délégués réunis dans cette ville le 10 mal, iraient remplir leur fonction à Versailles pour arriver au résultat que nous désirons tous, l'apaisement par la délégation de la loge (...).
Réponse par les loges adhérentes par retour courrier.
Si le nombre est suffisant, vous recevrez confirmation immédiate, lieu et date de réunion (2).
 
 
(1) Il s'agit évidemment de la fameuse tentative conciliatrice du 29 avril des Loges de Paris qui tentèrent à Neuilly de s'interposer entre combattants versaillais et communalistes.
 
2) Patricia  Nouchimowitz, Mémoire, t.  I, p.   142.
 
 
 
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