La province en 1871 Documents 1

 
 
 
LA PERIODE DE LA  GUERRE
DOCUMENTS 

 

Quelques textes concernant l'activité de l'Internationale au début de la guerre, surtout à Marseille et  Lyon.

1) - Extraits de la lettre du 7 septembre d'Eugène Dupont, correspondant à Londres pour la France aux sections et fédérations   de l'A.I.T.
Source :  O.Testut, L'Internationale, son rôle depuis le 4 septembre (1).

(...) La piteuse fin du Soulouque impérial a amené au pouvoir les Gambetta, les Favre. Rien n'est changé : la puissance est toujours à la bourgeoisie. Dans ces circonstances, le rôle des ouvriers ou plutôt le devoir est de laisser cette vermine bourgeoise faire la paix avec les Prussiens.   Il faut profiter de toutes les libertés que les circonstances vont apporter pour organiser toutes les forces de la classe ouvrière. La bourgeoisie qui est dans ce moment affolée de son triomphe ne s'apercevra pas tout d'abord de l'organisation, et pour le jour de la véritable guerre  les travailleurs seront prêts.
Activer, répandre partout cette organisation, c'est la tâche de notre association. Il faut redoubler d'énergie, centupler son dévouement, grouper autour de soi tous les hommes énergiques et résolus.
Le Conseil général a écrit â tous les correspondants, afin que tous les efforts se concentrent dans ce sens pour agir avec ensemble au moment opportun et décisif.
A. l'oeuvre sans relâche jusqu'à la révolution sociale ; dans ce moment d'effervescence et de travail populaire, la révolution, la vraie, peut marcher à pas de géant, par le concours de tous les correspondants de notre association.
À bas la bourgeoisie !
Vive l'Internationale !
 
Salut fraternel à tous
 
Londres, le 7 septembre  1870. »

(1) Cette lettre a été saisie parmi les papiers d'Albert Richard à Lyon.
2) Extraits d'une seconde lettre d'E. Dupont, Manchester, le?17 octobre  1870
Source : ibid.
« (...) Notre rôle consiste à profiter de toutes les libertés, de tous les événements pour répandre l'organisation de la classe ouvrière. Car sans bonne organisation les travailleurs seront toujours le jouet et la dupe de la bourgeoisie. Malheureusement, grand nombre de nos amis n'ont pas compris : ils se sont laissé aveugler par le patriotisme, ont fait chorus avec les bourgeois qui crient partout : Oublions nos différences d'opinion ; faisons le sacrifice de nos plus chers principes sur l'autel de la patrie et chassons notre ennemi. Duperie infâme ! Car les bourgeois n'ont rien et n'avaient rien à sacrifier, et le peuple est encore une fois de plus trompé parce qu'il est sans organisation. Maintenant qu'il est bâillonné, la réaction toute puissante relève la tête et la proscription recommence de plus belle.  Voyez ce qui se passe à Paris !
Salut fraternel à tous. »
 
3) - Adresse des Internationaux parisiens aux sections de province  (Date probable : 10 septembre  1870)
Source : B.N.  Lb 57  298
 
Dans l'impossibilité où nous sommes de répondre à toutes les lettres particulières qui nous sont adressées par les sections départementales de l'Association Internationale, nous vous adressons la présente circulaire comme premier renseignement :
Dans l'époque critique que nous traversons, les événements gigantesques dont nous sommes témoins nous tracent notre ligne de conduite.   Le jour des défiances et des dissidences n'est pas venu, nous ne pouvons voir que deux devoirs à remplir, la défense de Paris, prendre nos précautions contre la réaction étourdie mais non vaincue. Nous agissons en conséquence.`
Par tous les moyens possibles nous concourons à la Défense nationale qui est la chose capitale du moment. Depuis la proclamation de la République, l'épouvantable guerre actuelle a pris une autre signification ; elle est maintenant le duel à mort entre le monarchisme féodal et la démocratie républicaine. Paris assiégé par le roi de Prusse, c'est la civilisation, c'est la révolution en péril. Nous voulons défendre Paris à outrance.
Les réunions publiques que nous ouvrons dans tous les quartiers, l'organisation des comités républicains que nous accélérons, la part active que nous prenons aux travaux des municipalités républicaines, les adresses au peuple allemand que nous répandons, les appels à l'énergie et à l'union que nous signons, le concours que nous prêtons au gouvernement de Défense nationale n'ont pas d'autre but.
Nous ne négligeons pourtant pas les précautions à prendre contre la réaction épargnée et menaçante. Nous organisons en ce sens nos comités de vigilance dans tous les quartiers et nous poussons à la fondation des districts qui furent si utiles en 93.
C'est, croyons-nous, dans ce sens que vous devez agir : 
1° surexciter   par   tous les moyens possibles le patriotisme qui doit sauver la France révolutionnaire ; 2° prendre des mesures énergiques contre la réaction bourgeoise et bonapartiste  et pousser à l'acceptation des grandes mesures de défense par l'organisation des Comités républicains, premiers éléments des futures Communes révolutionnaires.
Notre révolution à nous n'est pas encore faite, et nous la ferons lorsque, débarrassés de l'invasion, nous jetterons révolutionnairement les fondements de la société égalitaire que nous voulons.
Ce nous sera facile si déjà nous sommes résolus, énergiques et persévérants.
 
Vive la République sociale !  
 
Pour le Conseil fédéral parisien :  B. Malon, E. Varlin, H. Bachruch.
 
(Nota : Incontestablement, les tentatives de création de comités de vigilance à Rouen, Brest, probablement Saint-Etienne, et sans doute dans bien d'autres cas doivent être mises en  rapport avec ces directives de l’Internationale parisienne qui participe  alors elle-même à la formation du Comité  central républicain des Vingt arrondissements.)
 
4) Réunion de l’Internationale marseillaise à l’Alhambra, 9 septembre (plus de 2.000nprésents)
 
Source : Rapport De Sugny, p. 50-52
 
La séance débuta par une adhésion chaleureuse aux principes de l'Association Internationale des travailleurs, et on résolut de transmettre immédiatement au Gouvernement des Bouches-du-Rhône les résolutions suivantes afin de lui faire savoir ce qui se passait dans la conscience populaire.
1ère Proposition.   -   Il est évident qu'il faut des chefs militaires, mais il ne convient pas que la France et la démocratie soient livrées au militarisme.   Il serait utile donc  que dans toutes les compagnies, il fût nommé un comité de trois membres, qu'ils sachent ou non manier les armes. Ce comité de surveillance, dans les cas graves, tels qu'insurrection populaire, etc., aura le droit de dire à la compagnie et à ses chefs s'il faut agir pour ou contre l'insurrection.
2ème Proposition.   -    Pour vaincre   l'ennemi, il faut une levée forcée d'hommes de 18 à 50 ans.   Il est bien entendu que tous ceux qui portent un froc, séminaristes, moines, prêtres, frères ignorantins, etc., n'en seront pas exempts (adopté).
3ème Proposition.   - Il  est urgent que l'on fonde un gouvernement du Midi, que l'on arme tous les citoyens sans exception et qu'on fixe au plus tôt l'endroit où doit siéger ce gouvernement. Cela sera surtout d'une incontestable utilité si Paris vient à être assiégé par les Prussiens. » `
4ème Proposition. - On propose d'armer immédiatement tous les agents de la police du gouvernement déchu et de les envoyer devant l'ennemi au lieu de les laisser libres dans Marseille.
Contre-proposition - Il conviendrait mieux de les garder sous les verrous et de les juger incessamment (adopté).
5ème Proposition. - Il importe  souverainement que l'on arme la garde nationale ; la patrie est en danger.   - Pour faire face aux frais nécessaires, on propose de frapper la richesse d'un impôt progressif.
6ème Proposition.   -  Un délégué de Toulon  fait savoir que cette ville est toujours en état de siège, c'est-à-dire soumise aux autorités ex-impériales. Il y a dans le parc d'artillerie de Toulon des carabines ; qu'on les distribue au plus tôt pour la défense nationale. Il exprime le voeu que l'on envoie des délégués de Marseille à Toulon pour y organiser, comme dans cette première ville, des compagnies de francs-tireurs.
7ème Proposition.  - Pour résister efficacement à l'invasion, il importerait que l'organisation des forces militaires du Midi fût accomplie avant huit jours. On pourrait au besoin instituer un Directoire provençal qui ferait ce que Paris ne peut pas faire pour le Midi
8ème Proposition. -  On propose que la chambre fédérale du travail se constitue en bureau de renseignements, qu'il lui soit assigné un local communal où serait déposée une boîte destinée à recevoir les diverses propositions à discuter en séance publique (adopté).
9ème Proposition.   -   On demande que les anciens membres de l'Internationale puissent s'adjoindre   à ce comité de  Travailleurs (adopté).   (...)
14ème Proposition.   - On propose d'envoyer une adresse des travailleurs de l'Internationale de Marseille aux travailleurs
d’Allemagne (adopté).   (1)
 
(1) On trouvera le texte de cette adresse immédiatement à la suite du compte-rendu de cette séance.
  5) -  La section marseillaise aux Travailleurs allemands
 
AUX TRAVAILLEURS ALLEMANDS
Source : La Patrie en Danger, n°14, 21 septembre  1870,
 
Frères d'Allemagne,
 
Est-ce lorsque le Gouvernement de nos voeux vient d'être organisé ?
Est-ce lorsque les travailleurs vont pouvoir réaliser leur émancipation par la garantie des libertés qui vont renaître ?
Est-ce lorsque le peuple reprend son droit après vingt ans d'abaissement et de honte ?
Est-ce lorsque la République est proclamée en France que vous voudrez arrêter la marche de la civilisation par une guerre fratricide ?
Non, vous ne le voudrez pas  !
Vous avez déclaré que le peuple de France était sacré pour vous, que vos armes étaient seulement tournées contre le tyran et ses séides.
Ce tyran ne souille plus le sol français, ses séides se sont enfuis. Que voulez-vous faire ?
L'honneur de votre parole, votre serment vous ordonnent de regagner vos frontières. Vous le ferez ; c'est notre espoir.
Mais si pour vous, comme pour l'homme de Décembre, le serment n'était qu'un vain mot, sachez que les travailleurs  seront les premiers à vous combattre et à verser leur sang pour vous vaincre, car ils vous vaincront.
Oui, ils vous vaincront, parce qu'ils ont avec eux la justice et une force immense que leur donne le  sacrifice de leur vie.
Les délégués de la section marseillaise de l'Internationale
A. Granier ; E. Poletti ; E. Combes ; A.  Bastelica ; P.-L. Mabilly ; Maviel ; Gossen ; Fiastre ; Pillard ; G. Arnaud ;  Codonel ; Brunet ; Franc ; Adrien ; Serrière.
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6) - La Fédération révolutionnaire des Communes de Lyon.
 
a) Manifeste du 26 septembre  1870
 
REPUBLIQUE FRANÇAISE
Fédération révolutionnaire des Communes

Source : O.Testut, L'Internationale et le jacobinisme… , t. II, p. 40-41.
 
La situation désastreuse dans laquelle se trouve le pays : l'impuissance des pouvoirs officiels et l'indifférence des classes privilégiées ont mis la Nation française sur le bord de l'abîme.
Si le peuple organisé révolutionnaire ment ne se hâte pas d'agir, son avenir est perdu, la Révolution est perdue, tout est perdu. S'inspirant de l'immensité du danger, et considérant que l'action désespérée du peuple ne saurait être retardée d'un seul instant, les délégués des comités fédérés du salut de la France, réunis au comité central, proposent d'adopter les résolutions suivantes :
Art. 1er.   - La machine administrative et gouvernementale de l'Etat, étant devenue impuissante, est abolie.
Le peuple de France rentre en pleine possession de lui-même.
Art.   2.   -  Tous  les tribunaux criminels et civils sont suspendus et remplacés par la justice du peuple.
Art. 3.   - Le paiement de l'impôt et des hypothèques est suspendu.   L'impôt est remplacé par les contributions des communes fédérées, prélevées sur les classes riches, proportionnellement au salut de la France.
Art. 4.   - L'Etat, étant déchu, ne pourra plus intervenir dans le paiement des dettes privées.
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      Art. 5.   - Toutes  les organisations municipales existantes   sont cassées et remplacées dans toutes les communes fédérées, par des comités du salut de la France, qui exerceront tous les pouvoirs sous le contrôle immédiat du peuple.
Art. 6. - Chaque comité de chef-lieu de département enverra deux délégués pour former la convention révolutionnaire du salut de la France.
Art. 7.   - Cette  convention se réunira immédiatement à l'hôtel de ville de Lyon, comme étant la seconde ville de France et la plus à portée de pourvoir énergiquement à la défense du pays.
Cette convention, appuyée par le peuple entier, sauvera la France,
 
Aux armes ! ! !
 
(suivent les signatures)
 
b) Manifeste du 28 septembre  1870
 
Proclamation du Comité révolutionnaire du Salut de la France
REPUBLIQUE FRANÇAISE
Fédération révolutionnaire des communes
Source : O. Testut, op. cit.,  p.  274
                               
Lyon,   28 septembre 1870
 
Citoyens,
 
La République qui a été proclamée le 4 septembre n’a été jusqu'à présent qu'une pâle réminiscence de 1848. En présence de l'effroyable danger qui nous menace et qui déjà nous écrase on n'a pris que des demi-mesures.
On n'a encore su ni organiser la levée en masse ni trouver de l'argent, ni faire contribuer le pays tout entier au grand travail de la défense nationale.
Paris est cerné, les Prussiens marchent sur Lyon, nos ressources officielles sont tout à fait insuffisantes : il est grand temps que le peuple prenne complètement en main, la direction de ses destinées et organise par les moyens les plus puissants et les plus radicaux
LA GUERRE A OUTRANCE, GUERRE DE REGENERATION SANS LAQUELLE NOUS SOMMES TOUS PERDUS.
Le peuple ayant formé un COMITE PROVISOIRE DU SALUT DE LA France AUQUEL IL A CONFIE LA DIRECTION DE L'ORGANISATION REVOLUTIONNAIRE DEFENSIVE DE LA REGION LYONNAISE SOUS SON CONTROLE CONSTANT ET IMMEDIAT, le comité fait appel à l'énergie et au sentiment de justice de tous les citoyens.
 Aujourd'hui, tous les Français sont solidaires et  doivent contribuer chacun dans la mesure de ses forces et de ses moyens à la défense du pays et à l'organisation de cette défense. Le Comité prendra toutes les mesures d'urgence commandées par la situation, le peuple le secondera et la république sera sauvée.
Pour le Comité
A.–B. Saignes ; Albert Richard ; J. Reignier ; Schettel.
 
DOCUMENT   II
Pièces concernant la Ligue du Midi et la Ligue du Sud-Ouest
 
Esquissée, l'histoire des fameuses ligues « du Midi »,« du Sud-Ouest » (et peut-être  d'autres régions), est loin d'être faite. On peut disputer sur la question de savoir s'il s'agit de mouvements, fédéralistes, ou bien d'un tout autre  ordre (combien de textes provinciaux comportent ou s'achèvent par une invocation à la « République Une et Indivisible », qui n'est pas forcément rituelle.
Il y a là matière à débat. Les pièces que nous versons au dossier sont rarement inédites (en ce qui concerne la « Ligue du Midi », elles sont principalement empruntées au rapport De Sugny, bien connu des historiens, pour l'Enquête parlementaire sur les Actes du Gouvernement de la Défense nationale ; mais on n'en donne trop souvent que des extraits trop peu expressifs, et il est facile, nous le disions, de faire dire ce que l'on veut à un texte mutilé,   volontairement, et involontairement bien plus encore. Aussi, avant d'entrer dans le débat nous paraît-il nécessaire de recueillir et de soumettre au lecteur une documentation maximale,,elle-même nécessairement tronquée tant les informations sont abondantes, mais le moins possible.
 
1 )  La Ligue du Midi
 
On parlait dès les lendemains du 4 septembre, à Lyon, à Marseille  surtout, de la constitution de cette ligue.
Il semble que ce  soit à partir du  16 ou 17 septembre que les choses se soient réellement mises en route à Marseille :
 
Source : Le Peuple, 18 septembre 1870 et Rapport de Sugny p. 53-54.
 
On décida qu'on provoquerait la fédération des départements du Midi. Le gouvernement central laissait les départements livrés à eux-mêmes. Le ministère de la Guerre, sans rien faire de hardi ni de  sérieux, ne songeait qu'à maintenir ses prérogatives et sa hiérarchie. Dans de telles circonstances, il fallait absolument que les hommes groupés par la révolution autour du délégué du Gouvernement central (Esquiros) se montrassent à la hauteur de leur mission, en mettant de côté toute faiblesse, toute hésitation (...). Ils avaient reculé autant que possible devant la nécessité d'agir sans l'assentiment et contre le voeu peut-être du gouvernement, mais les circonstances devenaient tellement graves qu'il convenait de sauter à pieds joints par-dessus tous les obstacles. On devait donc convoquer à Marseille des délégués de tous les départements   limitrophes (…) et même du Rhône. On lèverait ainsi une grande armée régionale, en appelant aux armes tous les citoyens valides. On trouverait les fonds nécessaires au moyen d?un emprunt de 20 à 30 millions  solidairement garanti par les départements compris dans la fédération, et enfin, on constituerait une administration civile et militaire, armée de pouvoirs dictatoriaux au nom de la patrie en danger. C'était le moyen de faire du midi de la France le rempart de la République déjà menacée par les compromis et les trahisons, et de sauver des départements que rongeait depuis des siècles le fanatisme religieux et monarchique. » (...)

a/ Procès verbal de la séance constitutive de la Ligue, 18 septembre  1870.

Source : Le Peuple, 22 septembre, et Rapport de Sugny, Annexes, p. 255 sq.
 
 
REPUBLIQUE  FRANCAISE
LIBERTE – EGALITE - FRATERNITE

Administration supérieure des Bouches-du-Rhône
Procès-verbal de la séance extraordinaire du 18 septembre  1870 pour l'organisation d'une Ligue du Midi pour la Défense nationale de la République
Le citoyen Esquiros ouvre la séance en faisant connaître que le but de la réunion est de prendre des résolutions énergiques pour faire cesser l'état d'isolement dans lequel le défaut de communications interceptées par l'ennemi, a placé les départements du Midi.
Nous avons envoyé une dépêche au gouvernement pour lui faire savoir que nous considérons comme urgent de donner aux départements du Midi une liberté d'action entière pour l'organisation de la Défense nationale, nous lui avons dit de nous répondre dans un délai de trois jours, ce délai est écoulé. Nous venons demander aux membres de la réunion s'ils veulent s'organiser pour la Défense nationale.
Les départements voisins nous ont demandé de se rattacher à nous pour l'action commune, pour la défense du pays.   Ce que nous voulons, ce n'est pas former une association  politique méridionale en dehors des autres régions de la France. La République doit rester une et indivisible ; mais, vu les circonstances, il y a lieu de former une sorte de confédération provisoire, qui nous permettrait d'agir de concert.
Le Midi pourra peut-être sauver le nord, si nous unissons les forces des départements du Midi. Si Paris venait à succomber, il faudrait qu'il y ait encore une France derrière Paris. Le Midi aggloméré serait capable de se défendre, de faire changer la fortune des armes. C'est une défense régionale et provençale que nous  voulons former.
L'assemblée toute entière donne son adhésion la plus complète aux motifs qui ont amené la convocation de cette réunion.
La discussion s'ouvre sur les moyens pratiques d'organisation. (... )
Ce que nous voulons organiser c'est une pépinière de nouveaux défenseurs, d'où le Ministre de la guerre pourrait tirer les forces qui lui seraient nécessaires. Nous ne voulons pas entraver l'action du département de la guerre. Nous voulons joindre nos efforts aux siens. (…)
Les forces que nous voulons constituer ne sont point pour rester dans les localités du Midi, mais pour marcher sur Paris. (...)
Les membres de la Commission révolutionnaire de Lyon arrivent et sont introduits.,Ils sont accompagnés par les délégués du département de Vaucluse. (..)
Quelle mission nos frères de Lyon vous ont-ils donnée ? demanda M.  Esquiros.
Un délégué   - « Le Comité de Salut Public de Lyon a pris la résolution d'envoyer des commissaires délégués dans toute la région du Midi pour exhorter les populations à concourir au salut de la patrie. Le Préfet  de Lyon nous a donné des pouvoirs pour nous présenter auprès de vous.
Nous venons vous demander d'établir un lien entre tous les départements méridionaux pour rechercher les localités où il y a des armes, en donner à celles qui n'en ont pas, organiser leur fabrication là où elle serait possible.
(...) Les délégués de Grenoble  sont introduits dans la réunion. Le citoyen Esquiros confirme les paroles du préopinant, faisant bien remarquer que l'union que nous réclamons est une association, ou pour mieux dire, une  société d'assurance contre l'invasion et contre les rois. Nous ne séparons pas ici la question politique de la question nationale. On ne se dévoue pas pour être esclave, mais pour être libre.
(Les délégués d'Avignon) font savoir qu'à Avignon un Comité de Défense composé des hommes les plus aptes à s'occuper des questions qui s'y rattachent a été constitué. On s'occupe de l'organisation de plusieurs bataillons de francs-tireurs, armés et équipés aux frais du département. (...)
Le citoyen Esquiros : "Accepteriez-vous comme centre de la Défense nationale la ville de Marseille ?" (Assentiment général).
Le citoyen Esquiros fait remarquer qu'il est préférable que les délégations départementales  se forment sans le concours des Préfets. Les citoyens délégués doivent émaner des Comités populaires et n'agir qu'avec leur assentiment.
C'est l'âme, la pensée intime de la nation  que nous voulons pour agir ; nous ne la trouverons que dans le peuple même.
(Le citoyen Esquiros) annonce que les départements réunis dans une pensée commune, la défense nationale pour le Midi sont ceux de Vaucluse, Rhône, Gard, Isère, Bouches-du-Rhône.
(Il) propose le vote suivant : que tous ceux qui veulent que tous les départements du Midi se réunissent dans une action commune pour la défense nationale, dont le centre serait Marseille, et où des délégués des départements se rendraient, lèvent la main.
L'Assemblée était composée de 48 membres. La proposition est acceptée à l'unanimité. (…)  
(Et cependant :)
Un délégué de Lyon veut que la défense soit organisée pour marcher sur Paris ; c'est pourquoi il voudrait Lyon comme centre.
Le citoyen Esquiros  - C'est une agglomération méridionale que nous voulons ; il faut se le rappeler, il n'y a pas de suprématie.   - Seulement Marseille paraît plus propre à la Défense. - Un délégué de Grenoble insiste pour que le centre soit à Lyon, car ce qu'il veut, c'est que l'on marche au plus tôt sur Paris.
On fait remarquer que le Conseil départemental n'a jamais eu d'autres vues.  Il a pensé qu'il fallait réunir une force militaire imposante, laquelle, une fois organisée, marcherait sur Paris pour couvrir Lyon. Si elle ne parvenait pas à débloquer Paris, si Paris succombait, elle se replierait sur Lyon et de là   sur la Provence, où elle pourrait grouper de nouvelles forces qui, derechef, iraient au secours de Lyon assiégé.   Il y a donc urgence à ce que le point central de la défense soit le plus éloigné possible  ; il ne faut pas, en outre, oublier que Marseille, par sa position géographique, commande tout le Midi et les colonies algériennes, qu'elle forme un point de ravitaillement facile par la mer et par ses communications et voies ferrées avec le Sud-Ouest de la France. De Marseille, nous pouvons tirer des arsenaux ; d'Italie, d'Espagne et d'Egypte de nouveaux matériels de guerre. Ajoutons que Toulon, port de guerre et ville forte, devient, pour Marseille, point central, un puissant auxiliaire. Si le centre était à Lyon, une fois bloquée, la Ligue serait désorganisée et ne pourrait plus agir librement.
(La discussion continue longuement sur ce point de savoir qui de Lyon ou Marseille aura la prééminence).
La réunion décide à l'unanimité que le Comité central prendra le nom de Ligue du Midi pour la défense de la République. (...)
Les départements qui entreront dans la Ligue  sont :  Bouches-du-Rhône, Rhône, Isère, Vaucluse, Drôme, Hérault, Gard, Var, Ardèche, Basses-Alpes, Hautes-Alpes, Alpes-maritimes, Haute-Loire (...). Chaque département enverra trois délégués. (...)
 
b) Propositions du 22 ou du 23 septembre
Source : Le Peuple (article de Sorbier), 24 septembre  1870

Hier, les vingt délégués de la Ligue Révolutionnaire du Midi, nommés, acclamés dans plusieurs réunions publiques, ont présenté au citoyen Esquiros les projets suivants  :

1°  - Impôt sur la richesse réelle ;
 2° - Réquisition de trente millions (pour le département), sur la fortune publique, d'une manière proportionnelle, pour subvenir aux dépenses de guerre ;
3° - Réquisition de toutes armes, munitions, chevaux, etc., de tout ce qui peut et doit être considéré comme matériel de guerre ;
4° - Défense expresse  de transporter à l'étranger quelque partie, si minime qu'elle soit, des fortunes locales ;
 
 5°  - Confiscation, après délai de dix jours, des propriétés mobilières et immobilières de tous ceux qui, traîtres à la Patrie, ont quitté, au moment du danger, le sol de France ;
 6° - Confiscation des biens du clergé irrégulier, jésuites, capucins, etc. ; 
 7° - Séparation absolue des églises et de l'Etat :  refus et cassation immédiate de toutes subventions aux cultes ;
 8° - Adoption de mesures faisant rentrer,  sans délai, les membres du clergé et des corporations religieuses dans la loi commune militaire.
 9° - Décréter, dès aujourd'hui, la levée en masse de la nation,
 10°  - Suppression de l'armée active ;
 11°  - Révocation immédiate de tous les maires nommés par et sous l'Empire ;
 12°  - Liberté absolue de la presse, par l'abolition du dépôt et du cautionnement.
 13°  - Suppression des sinécures.
 14° - Réduction à un maximum de 2.400 Frs du traitement de tous les fonctionnaires pendant la durée de la guerre ;
 15e  - Décision pour la nomination des juges de paix par voie électorale r
 16° - Révocation de toute la magistrature inamovible ;
 17°  - Suppression de toutes subventions aux écoles cléricales, affectation de leurs locaux aux écoles laïques. . .
À une situation révolutionnaire doivent correspondre des actes révolutionnaires… (1) .
P.S.  Nous apprenons, au dernier moment, que satisfaction a été donnée au comité de la Ligue Révolutionnaire, sur certains points, et promesses faites relativement à quelques autres.
 
(1) On aura remarqué que pour l'essentiel, on trouve dans ce programme toutes les mesures fondamentales qui vont être appliquées par la Commune de Paris, avec moins de vigueur peut-être.
 
c/ Premier manifeste de la Ligue du Midi (entre le  18 et le 26 septembre).
 
    REPUBLIQUE FRANÇAISE, UNE ET  INDIVISIBLE,
             LIBERTE, EGALITE, FRATERNITE
Comité de la Ligue du Midi pour la défense nationale de la République.
Source : De Sugny, p. 59 sq.

Le comité central de la Ligue du Midi aux municipalités et aux populations du Midi de la France

 
L'ennemi continue sa marche envahissante. Soissons et Vesoul ont capitulé. Les Prussiens sont à quatre étapes de Dijon et nos généraux qui commandent dans l'Est de la France battent en retraite sans accepter, sans livrer aucun combat.
Des paysans de l'Est refusent des vivres à nos corps francs et donnent aux Prussiens le superflu.
Les habitants d'Orléans sont venus déposer leurs fusils au pied de la statue de Jeanne d'Arc. Paris voit chaque jour ses approvisionnements diminuer : chaque jour de retard est une victoire pour la Prusse.
La plupart des fonctionnaires publics n'apportent dans leurs mesures qu'indécision et hésitation. L'administration et l'autorité militaires, habituées à ne rien faire sans ordres, manquent d'initiative. Un grand nombre d'officiers supérieurs de l'armée active, pleins de mauvais vouloir pour la République, opposent la force d'inertie aux vœux des républicains et aux réclamations de l'autorité civile.
En présence de cette situation critique, lorsque nous pouvons redouter à chaque instant qu'un des forts de Paris succombe sous les efforts des Prussiens, que fait, que peut faire le gouvernement de Tours, livré à ses propres forces ?
Il remplace les fonctionnaires de l'Empire par d'autres qu'il ne connaît pas et qui souvent ne sont pas républicains ; il place à la tête de nos armées des généraux qui ont vieilli sous la monarchie, qui, pour la plupart, ne comprennent rien aux aspirations républicaines des troupes qu'ils ont sous leurs ordres, qui prennent pour des actes d'indiscipline les manifestations patriotiques de leurs soldats.
Les armes, les fusils, les canons, l'argent manquent, et il existe en France des milliers d'ateliers de mécanique, des forges, des fonderies et des richesses immenses.  Au lieu de mettre en réquisition tous les ateliers et usines de France pour la confection d'un outillage qui nous permettrait avant deux semaines de fabriquer chaque jour des milliers de chassepots, des canons, des mitrailleuses, des fourgons, des caissons,  des munitions de guerre de tous genres, on a préféré demander des armes et des munitions que nous attendons depuis cinq semaines, qui ne viennent pas et ne viendront peut-être jamais ! Quant à l'argent, toutes les municipalités importantes ont voté des emprunts volontaires qui ne se couvrent pas.
Nous ne pouvons vivre plus longtemps dans cette situation. Nous ne pouvons accepter plus longtemps que 500.000 Prussiens dictent dès lors à 40 millions de Français, nous voulons venir en aide au gouvernement de  Tours, impuissant à prendre des mesures énergiques ; nous voulons nous sauver nous-mêmes.
Nous sommes résolus à tous les sacrifices, et si nous restons seuls, nous ferons appel à la Révolution, à la Révolution implacable et inexorable, à la Révolution avec toutes ses haines, ses colères et ses fureurs patriotiques. Nous partirons en armes de Marseille, nous prêcherons sur nos pas la guerre sainte ; nous exciterons les populations au combat ; nous nous précipiterons comme une avalanche, le long de la vallée du Rhône et des vallées qui y aboutissent, nous irons au-devant des Prussiens, renversant sur notre passage tous les débris de la monarchie, inspirant la terreur aux ennemis de la République, surexcitant jusqu'au paroxysme l'énergie des forts, et donnant du courage aux pusillanimes.
Ces mesures extrêmes, imposées par la gravité des circonstances, peuvent être évitées si les municipalités, comprenant notre but patriotique, nous prêtent loyalement leur concours. C'est pourquoi nous supplions, au nom de la Patrie, au nom de la République, les municipalités et les républicains des communes d'envoyer des adhésions énergiques  et effectives à la Ligue du Midi, de se grouper pour répondre utilement à ses appels patriotiques.

Cette Ligue a pour but :


1° - De venir en aide au gouvernement de Tours pour tout ce qui concerne l'armement, l'équipement et l'approvisionnement des troupes levées dans le Midi de la France et qui seront placées à mesure de leur organisation, sous le commandement du ministre de la Guerre.


2° - De signaler au Gouvernement de Tours, toutes les mesures nécessaires à l'organisation républicaine de la France et de lui en faciliter l'exécution.

Pour assurer la prompte exécution de toutes les décisions de la Ligue, les populations et les municipalités sont invitées à envoyer des délégués à Marseille, ainsi que l'ont déjà fait les municipalités de plusieurs villes, notamment celle de Lyon.
Elles pourront aussi créer des correspondants pour une des commissions suivantes constituées dans l'assemblée de la Ligue.
 
 Commission des levées militaires ;
des   manufactures d'armes et achats ;
cavalerie et équipages ;
équipement, armement,                          
approvisionnements et subsistances  ;
des voies et moyens financiers  ;
des rapports, réclamations patriotiques,
des correspondances, dépêches.
 
Ces délégués ou correspondants devront avoir pleins pouvoirs de leurs communes pour prendre toutes les mesures relatives à l'installation de manufactures et achats d'armes, organisation et armement des gardes nationales sédentaires, mobilisées, mobiles et des corps francs, et aux approvisionnements de ces troupes.
Quant à la répartition des dépenses effectuées et des impôts à prélever dans l'intérêt de la défense nationale, il sera procédé de la manière suivante :

1°. L'ensemble des dépenses et des impôts sera réparti entre  toutes les villes des départements du Midi qui auront adhéré à la Ligue, proportionnellement à leurs revenus ;


2°. Les délégués voteront les dépenses relatives aux frais généraux de la Ligue, tels que : frais d'organisation et de propagande, frais d'impression, d'affiches, circulaires, etc. (...).

 
 3°. L'état des dépenses et impôts votés par la Ligue pour l'armement et l'équipement de troupes ou pour des travaux de défense d'intérêt commun, sera communiqué aux municipalités qui devront y contribuer sans retard.
Au nom de la patrie menacée, au nom de la République, au nom de vos familles et de vos intérêts les plus chers, groupez-vous autour de la Ligue qui, seule avec votre concours, peut assurer le salut commun.
Pour le comité central de la Ligue
Les membres de la commission des rapports et correspondances
N.   Porte, délégué de l'Isère ; Esdras Crémieux, de l'Hérault ; Leroux, des Bouches-du-Rhône ; Borel, du Rhône ; Gaston Crémieux, des Bouches-du-Rhône ; Guerin-Ponzio, du Gard ; Vheillon, du Gard ; J. A. Tardif, des Bouches-du-Rhône ; Choulier,   de l'Isère.
 
 
          d)  Manifeste de la Ligue du Midi pour la défense de la République.
Source : De Sugny,  p. 63 sq.
 
Citoyens,
L!ennemi assiège Paris. Déjà toutes les communications sont interrompues. Le Gouvernement de la Défense nationale, justifiant son titre, a voulu rester dans la capitale et partager ses périls.
À nous de voler au secours de nos frères !
II ne s'agit pas d'attendre l'ennemi, mais de former une armée régionale pour couvrir les villes du Midi et participer énergiquement au salut de la patrie.
Dans ce but, les départements de la vallée du Rhône viennent de créer une Ligue du Midi, pour la défense nationale de la République.   Lyon est son centre d'action ; Marseille le centre d'organisation, et Toulon le grand arsenal.
Les départements compris dans la Ligue du Midi sont : Bouches-du-Rhône, Rhône, Isère, Vaucluse, Drôme, Hérault, Gard, Var, Ardèche, Basses-Alpes, Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes, Haute-Loire.
Cette confédération méridionale n'est pas un Etat dans l'Etat ! Le Midi ne se sépare pas  du reste de la France et de Paris ! C'est au contraire pour les sauver, pour faire triompher la République une et indivisible qu'il a voulu grouper ses forces et préparer à l'armée de Paris de nouveaux renforts.
Loin de s'isoler, le Midi ne demande qu'à être imité et suivi. Du Midi au Nord, de l'Est à l'Ouest, unissons-nous, liguons-nous ! En avant, l'armée du Rhône, l'armée de la Gironde, l'armée bretonne (sic), et l'armée du Nord !
Si, par malheur, Paris succombe, que la France soit debout pour venger Paris ! Puisque la  Prusse, dans son orgueil, s'acharne à continuer une guerre fratricide et impie, plus de trêve, plus de merci !
La République française ne pactise ni avec les ennemis de la liberté, ni avec les ennemis des peuples (1).
Nous n'avons pas voulu la guerre : mais puisqu'on nous y force, nous sommes résolus à ne mettre bas les armes que lorsque la Prusse, épuisée par une lutte à outrance, sera obligée de s'arrêter devant nos suprêmes efforts.
Nous faisons un appel à tous les citoyens de France.
Que dans les réunions publiques, les plus dévoués et les plus courageux préparent le peuple à appuyer les efforts de la Ligue du Midi.
Que de ces réunions partent des délégués pour stimuler le patriotisme des populations et leur faire comprendre le péril.

(1) C'est l'habituelle formule de 1792 et 1793 qu'on retrouve, tant à Paris qu'en Province, dans toutes les déclarations patriotiques révolutionnaires.


      Que les autorités civiles, militaires et administratives aient le patriotisme d'abdiquer toutes leurs prérogatives, qu'elles sachent bien que nous ne voulons pas nous soustraire à l'action du pouvoir central, mais au contraire l'aider par nos libres efforts,  l'alléger par notre initiative.
Les autres régions imiteront l'exemple que leur donne le Midi.
Il y va du salut de la France et de la République.
 
Marseille, le 26 septembre  1870
 
L'administrateur supérieur : Esquiros
Le Préfet :  Delpech, Bory, maire, Guibert, adjoint
Conseil départemental :
Rouvier, Léonce Jean Ménard, Morel, Brochier, Etienne, Baume, Leroux, Klinger.
Délégués des départements :
Rhône : Bonvatier Aimé, Fouillat François.
Drôme : Rouzand, Borel, Andra.
Vaucluse : Magallon, Sagnard, Bayol.
Var : Charvet, Anère, Flayoh (sic).
Isère : Wuichet, Choulier.
 
 
e) Procès-verbal de la quatrième séance extraordinaire,? (27 septembre 1870

(On fait l'appel des membres présents,  représentant les Bouches-du-Rhône, le Rhône,  l'Isère, le Vaucluse, la Drôme ; l'Hérault et le Gard sont prêts à venir sur ordre télégraphique ; le Var, l'Ardèche, les Alpes-Maritimes, la Loire ; les départements des Basses-Alpes, des Hautes-Alpes et de la Haute-Loire ne sont pas encore représentés).
Le citoyen Vogéli, de Saint-Etienne : - La Garde mobile et la Garde nationale du département de la Loire sont levées, mais il leur manque des armes. (...)
On a voté un emprunt à Saint-Etienne (1). Nous avons fait appel au patriotisme des grands propriétaires, et au besoin nous recourons  à l'impôt forcé. Les riches seront tenus de souscrire dans la proportion de leur fortune, à 10, 50, 100 fusils.  Ainsi, l'on ne pourra pas dire que l'on réclame de l'argent pour autre chose que pour des armes. (...)
Le citoyen Borniol, délégué des Alpes-Maritimes (...) - Je représente l'arrondissement de Cannes et Grasse. Il y a dans? cette région une indifférence totale, désolante. On attribue cet état?d'inertie aux faveurs que le régime déchu a répandues sur les riches?.(...)
Nous venons donner notre adhésion à la Ligue du Midi. Aujourd'hui, nous avons besoin d'un gouvernement de Salut Public.
Le citoyen Tavernier, au nom de l'arrondissement de Nice : - Un corps d'ouvriers d'Etat  s'organise à Cannes. 50 francs-tireurs?sont partis pour Tours, 100 Niçois sont prêts à les suivre. Un groupe? considérable de Garibaldiens se forme sous la direction du chef d'état-?major Ravelli, aide de camp de Garibaldi. Ils se dirigeront par la vallée du Rhône sur la Loire.
Quant au point de vue politique,  l'état de siège a dû être décrété, à cause d'un mouvement séparatiste qui,   du reste,  n'existe plus aujourd'hui (2). Il a d'ailleurs suffi de quelques mesures peu graves pour contenir ces populations.
 (...) Le citoyen Crémieux : l'action de la Ligue du Midi doit être complètement indépendante. Le gouvernement de Tours ne doit pas dominer dans la Ligue ; que les pouvoirs les plus illimités soient conservés au citoyen Esquiros, pour qu'il puisse agir avec fruit.
Le citoyen Combler, délégué de l'Ardèche : -  La population de ce département est éminemment républicaine, mais elle rencontre deux obstacles qui paralysent sa bonne volonté : le préfet, homme fort honorable d'ailleurs, se borne à suivre à la lettre les ordres du Gouvernement et ne veut accorder aucune révocation avant d'avoir obtenu sa sanction préalable.
Nous avons des soldats, mais ils sont encore sans armes.
Nous vous proposons donc de demander et même d'imposer au Gouvernement de Tours la convocation d'une Assemblée.
Le citoyen Esquiros fait observer que l'esprit de notre Ligue ne consiste pas dans une affaire de préfet à préfet, mais bien dans une association libre entre les départements. Chacun d'eux agit selon sa volonté et ses moyens. Ainsi à Marseille, il y a collaboration d'efforts, rien de plus.
Nous voulons réunir des forces qui, isolées, seraient stériles. Donner des armes où il n'y en a pas, prendre des approvisionnements où il y en a trop.
(...) Le citoyen Baume : La nomination d'une   Constituante nous obligerait à délibérer,  alors qu'il faut agir. Le Comité de Salut Public de la Convention a seul fait de grandes choses.  Hé bien ! le Comité de Salut Public aujourd'hui, c'est la Ligue du Midi. (...)
Le Comité de défense du Vaucluse déclare adhérer pleinement à la Ligue (...).
Le citoyen Esquiros invite tous ceux qui ont des moyens pour l'achat des armes à faire connaître demain, sans retard, leurs renseignements à ce sujet (...).
Il faut agir avec hardiesse.
 (C'est au cours de cette séance que Gent obtient 16 voix contre 7 à Esquiros comme président de la Ligue du Midi).

(1) Cf.   Chronologie précédente.

(2) Il y a eu plusieurs tentatives de séparatisme niçois,  pour un rapprochement avec l'Italie,   et avant et pendant la Commune.   Elles ont été, peut-on dire, de très faible portée, mais méritent d'être relevées. Là est - et non dans les Ligues, le véritable séparatisme.
 
h) Manifeste de la Ligue du 25 octobre  1870. Source : Murailles Politiques Françaises, t.  I,   262
 
       Paris et Lyon font appel à toutes les forces vives du pays.
Le Gouvernement central demande que la nation coopère sans retard à la défense nationale par l'initiative des   départements.
La Ligue du Midi vient donc répondre à ces exigences patriotiques. Elle met au service des vaillants assiégés de la capitale, de tous les défenseurs de la République,   son organisation populaire, sa libre activité.   Quinze départements et l'Algérie se sont groupés à l'heure du péril, pour tenter un effort suprême en vue de la délivrance de Paris et de Lyon.
Les Prussiens sont aujourd'hui autour de Besançon et menacent la vallée du Rhône.
Plus de retard, les populations républicaines du Midi doivent se lever en masse pour empêcher les envahisseurs de souiller plus longtemps le sol de la Patrie.

            FRANÇAIS DU MIDI, AUX ARMES !
 
Le Comité central de la LIGUE DU MIDI, représenté à Marseille par les délégués des quinze départements de la vallée du Rhône et de l'Algérie.

ARRETE :


Article premier.   -   Dans tous les départements qui ont adhéré à la ligue du Midi, tous les citoyens devront se tenir prêts à quitter leurs foyers au premier appel, et à marcher, sous les étendards de la République, contre le despotisme monarchique et prussien.

Le lieu de rendez-vous des forces nationales sera la ville de Valence et les plaines qui l'entourent.

f)  Circulaire de Marseille,   2 octobre 1870

Source : Le Travailleur du Nord, 14 octobre 1870
Préfet aux préfets du Rhône, Isère, Drôme, Gard, Hérault, Ardèche, Var, Basses-Alpes, Vaucluse, Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes, Loire et Haute-Loire.
Ligue du Midi pour la défense nationale définitivement constituée et acceptée par le Gouvernement de Tours. Réunion générale à Marseille, lundi soir à 9 heures, pour élire un commissaire général auquel le gouvernement central donnera pouvoirs étendus sur toute la zone comprise dans la ligue. Si ce n'est déjà fait, envoyez trois délégués pour représenter votre département ou donnez ce pouvoir à des citoyens résidant ici.
Télégraphiez votre réponse et l'état des armes disponibles et des hommes mobilisables dans votre département.
Nous pouvons ajouter que M. Alphonse Gent,  l'ancien transporté de Noukahiva, vient d'être nommé président de la Ligue du Midi (cf. pièce g).
 
g)  Séance du 3 octobre  1870
(Départements représentés : Vaucluse, Hérault, Gard, Isère, Bouches-du-Rhône, Ardèche, Rhône, Alpes-Maritimes, Var, Basses-Alpes,Haute-Loire, Loire, Savoie,  Haute-Savoie.
 N.B. Les délégués des six derniers départements sont absents ou en mission).

(...) Un délégué donne lecture de la lettre adressée le 28 septembre, par le citoyen Laurier, secrétaire général du Ministre de l'Intérieur aux délégués de la Ligue du Midi. Cette lettre contient une reconnaissance de la Ligue et l'engagement de la part du Gouvernement de ratifier le choix qui serait fait du Commissaire général par les membres de la Ligue.

Lecture est également donnée d'une lettre sympathique adressée par le Comité central fédératif de Lyon (...).
Les délégués des départements coalisés sont nommés Commissaires généraux de la Ligue du Midi.   Ils se rendront dans les départements pour prêcher la guerre sainte, réunir les comités républicains des localités et agir avec eux de concert pour déterminer, par tous les moyens possibles,  un soulèvement général.
Article 2. - Une souscription nationale,   librement consentie par chaque département,   chaque municipalité   et chaque citoyen, sera recueillie pour obtenir les armes et les approvisionnements nécessaires aux forces de la Ligue.
Le produit de cette souscription sera versé dans les caisses de la Ligue, par les soins du Comité central de chaque département.
Article 3. - Les Commissaires généraux s'entendront avec les Républicains de chaque département pour faire nommer un délégué cantonal qui devra se rendre à Marseille, le 5 novembre, pour l'Assemblée générale de la Ligue du Midi.
Le présent manifeste sera affiché, par les soins de tous les patriotes du Midi, dans tous les cantons et les communes des 15 départements et de l'Algérie.
Article 4.   - Les citoyens de chaque localité devront faire connaître dans les plus brefs délais,   au siège de la Ligue du Midi, à Marseille,  le résultat de leurs efforts individuels pour faciliter la tâche des commissaires généraux.   Ils devront,   en outre,   se mettre en  rapports constants avec le Comité central de Marseille,   siégeant à la Préfecture.
Au nom de la République UNE ET INDIVISIBLE, les membres des autorités municipales et administratives doivent le concours le plus efficace, comme citoyens, aux membres de la Ligue du Midi, créée pour la défense de la République et à leurs représentants.
 
Fait à Marseille, le 25 octobre 1870, Le Président de la Ligue du Midi
A. Esquiros, Administrateur Supérieur du département des Bouches-du-Rhône
(Suivent les signatures des membres du Comité, commissaires -?généraux pour le Rhône, la Loire, l'Isère, le Vaucluse, la Drôme, le?Var, l'Ardèche, l'Hérault,  les Basses-Alpes, les Alpes-Maritimes, la? Haute-Loire, le Gard,   les Hautes-Alpes,  l'Algérie, les Bouches-du-?Rhône…).
 
i) Résolution prise par les délégués des quinze départements comprenant (sic) la Ligue du Midi pour la Défense nationale de la République réunis en Assemblée délibérante à Marseille le 5 novembre 1870.

L'assemblée des délégués de la Ligue du Midi

 
Vu les considérations suivantes :
 
La Ligue du Midi, fondée par les républicains des quinze départements, poursuit énergiquement un double but !
L'organisation de la Défense nationale ;
L'affermissement de la République ;
Elle affirme qu'en présence des trahisons infâmes qui, par deux fois, ont failli perdre la France,  la défense ne doit plus être désormais organisée et dirigée que par des chefs et des fonctionnaires républicains.
Elle veut relier les communes aux cantons, les cantons aux arrondissements, les arrondissements aux chefs-lieux de départements et les départements du Midi entre eux au moyen de communications rapides et incessantes,et par une propagande infatigable et multipliée.
Seule, assez puissante pour réveiller partout les campagnes, qui dorment, elle ira prêchant la guerre sainte,  la guerre à outrance, jusqu'à ce que le Midi tout entier soit debout et prêt à marcher pour le salut de la Patrie républicaine. Elle créera autour des administrations gouvernementales et des autorités municipales  le contrôle et la surveillance de l'opinion   publique éclairée par la libre discussion sur les dangers qui menacent le présent et l'avenir du pays, et sur tous les moyens propres à les conjurer.
Après avoir ainsi suscité toutes les forces vitales du Midi, centuplées par l'enthousiasme révolutionnaire,  la Ligue mettre toutes ses ressources à la disposition du gouvernement républicain à qui incombera dès lors la tâche de les utiliser et de les régulariser.
La Ligue ne constitue pas une fédération des départements ligués ni une oeuvre de sécession ou de séparatisme, funestes à l'unité nationale
        Elle répond au contraire aux voeux du gouvernement provisoire ;
Soit qu'il ait fait appel à l'initiative des départements ;
Soit qu'il ait appelé les provinces au secours de la capitale investie;
Soit enfin qu'il se déclare par l'organe du citoyen Léon Gambetta, ministre de la guerre et de l'Intérieur,   impuissant à tout faire et qu'il exhorte  les citoyens à agir par eux-mêmes.
Le gouvernement provisoire reconnaît tacitement le mérite et la raison d'être de la Ligue du Midi.
Oeuvre d'initiative populaire,  née des dangers et des malheurs de notre pays, inspirée par le patriotisme et le républicanisme le plus ardent, la Ligue a vu, depuis un mois,  le gouvernement provisoire réaliser quelques-unes des mesures qu'elle avait proposées dès le premier jour,   notamment le renvoi des élections générales et la levée en masse.
Aujourd'hui que le moment de l'action et de l'exécution est arrivé, il importe à la Ligue du Midi de manifester au gouvernement républicain le but qu'elle se propose, et de lui demander la détermination qu'il croit devoir prendre à son égard.
 
En conséquence :
 
L'Assemblée des délégués de la Ligue du Midi a formulé la  déclaration suivante :
 
La Ligue du Midi est une association républicaine indépendante, basée sur le principe de la souveraineté du peuple et sur la liberté d'association ;
Elle accepte tous les concours patriotiques ; mais elle agit avec ses propres forces en dépit des résistances qu'elle pourra rencontrer ;
Elle peut  choisir pour siège telle ville qu'elle jugera convenable et utile pour augmenter sa force d'action.
 
La Ligue du Midi a pour but l'organisation de la défense nationale et l'affermissement de la République Une et indivisible ;
La Ligue n'entend accepter ni observer, en ce qui la concerne aucune paix qui porterait atteinte à l'honneur national,  à l'intégrité du territoire et au maintien de la République.
(Suivent les signatures)
 
     j) Une interprétation de l'histoire de la Ligue du Midi
Article de Gaston Crémieux dans le journal L'Egalité, 17 novembre  1870.
Source : Rapport De Sugny,  Annexes, p.   284 sq.

                       LA VALLEE du RHONE
Le Gouvernement républicain reconnaît enfin que la Vallée du Rhône, à raison des circonstances géographiques, appelle un plan de défense commune.   En conséquence il forme par un décret daté du 12 novembre,un comité supérieur de défense pour les départements du Rhône, de la Loire, de l'Isère, de la Drôme, de l'Ardèche, du Gard, du Vaucluse et de l'Hérault.
Il nomme ensuite les membres  de ce comité choisis à un point de vue exclusivement militaire, un peu,   pour ne pas dire trop étroit.
Aucun des délégués de la Ligue du Midi, aucune personnalité politique marquante ne figure dans cette liste, composée entièrement d'industriels, d'ingénieurs des mines ou des Ponts-et-chaussées et d'officiers supérieurs.
Tel qu'il est cependant, ce décret ne fait que reproduire un des voeux les plus ardents de la Ligue du Midi, auquel il emprunte sournoisement son idée primordiale.
Dès les premiers jours de la République, les républicains avaient compris que le système administratif de l'ancien régime parquait chaque département dans un centre d'action particulariste, et dans des limites artificielles et fausses, ce qui les isolait les uns des autres.
Il était à craindre qu'en conservant les circonscriptions administratives, on ne favorise la périlleuse tendance des départements à se défendre, chacun dans son coin, sans se préoccuper du reste de la France. La nécessité de la défense en commun, rendue chaque jour plus pressante, amène les républicains à entreprendre par la création des Ligues le groupement naturel des forces et des moyens d'action des contrées de l'Est et du Midi.   Ils demandaient la nomination non pas de Préfets, ni de sous-préfets, mais de Commissaires extraordinaires et d'administrateurs supérieurs (1), réunissant dans leurs mains  les pouvoirs civils et militaires, et dont l'autorité se serait étendue sur les départements,   quel que fût, leur nombre,   compris dans une même zone de défense naturelle. À cet égard, la vallée du Rhône formait un groupe admirablement protégé par un fleuve, des rivières, des étangs, une ligne de montagnes, non interrompue, et par la   Méditerranée.
La Ligue du Midi fut constituée : mais elle demanda vainement la consécration du Gouvernement de Tours.
Cette œuvre, d'initiative populaire, avait peut-être le tort d'être fondée par des républicains, et d'avoir pour but l'organisation de la défense nationale et l'affermissent de la République ; elle poussait la hardiesse jusqu'à vouloir que la défense ne fût plus organisée et dirigée que par des chefs et des fonctionnaires républicains. Elle voulait relier les communes, les cantons, les arrondissements, les chefs-lieux de département  et les départements entr'eux par un système de communications permanentes et par une propagande infatigable et multipliée. Son crime était trop grand… ! La Ligue ne pouvait  trouver grâce devant les administrations communales et départementales jalouses de leur autorité. En vain promettait-elle de mettre à la disposition du Gouvernement toute la force qu'elle aurait recueillie. On ne voulait même pas l’écouter. Tous les partisans du modérantisme à l'outrance (sic) occupés,  les pieds sur les chenets ou les mains dans leurs poches à discuter gravement sur les maux de la patrie,  tous ceux qui voulaient voir dans le Gouvernement de la défense nationale un pouvoir politique neutre et de transition, (2) tous les adversaires de la République attaquèrent la Ligue du Midi avec un ensemble admirable.
On cria de toutes parts à la sécession, au séparatisme, à la fédération ; la Ligue portait atteinte à l'unité nationale. La France, par elle, tombait dans l'anarchie.   La Ligue fut condamnée à périr.
Maintenant, quand le danger presse, quand les Prussiens marchent sur Lyon, le Gouvernement ne trouve rien de mieux   à   faire que d'adopter l'idée vainement proposée par les Ligueurs du Midi, tant calomniés.
En définitive,   on a perdu beaucoup de temps,   on a laissé se refroidir le patriotique enthousiasme que les ligueurs avaient suscité autour d'eux et partout sur leur passage,   et tout cela pour en venir à livrer tardivement l'exécution d'une idée essentiellement révolutionnaire à des esprits froids,   méthodiques,   encore embarrassés dans les langes administratifs de l'ancien régime. Que va-t-il advenir ? Nous l'ignorons, mais nous avons le droit de nous plaindre des hésitations,  des tâtonnements, des contradictions de   ceux qui nous gouvernent.
Quand nous demandions que l'administrateur supérieur des Bouches-du-Rhône fût investi  de pleins pouvoirs civils et militaires, on ne daignait même pas nous répondre, et quelques semaines après MM. Challemel-Lacour, Marc Dufraisse et Alphonse Gent concentraient dans leurs mains cette double autorité. Nous proposions la levée en masse ; on la décrète, quand nous avions, par lassitude, cessé de la demander. On brise la Ligue du Midi, tout en adoptant le plan qu'elle avait émis de la défense en commun de la vallée du Rhône. Plaise à Dieu qu'il ne soit pas trop tard et que nous n'en venions pas à dire des délégués du Gouvernement républicain, ce que Rivarol disait en 1794 des coalisés :
« Ils sont toujours en retard d'une idée, d'une armée et d'une année »
 
(1) Ce fut aussi une demande parisienne, émanant notamment du Comité central des Vingt arrondissements.
(2) Mais c'est bien ainsi qu'au point de départ s'est défini le Gouvernement dit de Défense nationale. Il prétendait n'avoir à s'occuper que de ce dernier objet, et déclarait  volontiers qu'il n'avait rien d'un gouvernement fût-ce provisoire


2) - La Ligue du Sud-Ouest

Les renseignements concernant cette ligue sont fort rares  ; au moins pouvons-nous reproduire les deux textes qui suivent,   dont le second est inédit.
 
 
a) Comité de Salut public de la Ligue du Sud-Ouest
Source : Murailles politiques françaises, t. I, p.175.
REPUBLIQUE FRANÇAISE UNE ET          INDIVISIBLE
    LIBERTE - EGALITE - FRATERNITE
 
LIGUE     DU     SUD-OUEST
COMITE   DE   SALUT   PUBLIC
 
Commission  exécutive
Aux citoyens Membres du Gouvernement de la République
Citoyens,
A l'occasion des élections de la Constituante, le parti Républicain de la Haute-Garonne a élu cent soixante-quinze délégués qui ont créé un Comité central.
Inspiré par le sentiment des devoirs civiques à remplir,   ce Comité vient à l'unanimité,   de déclarer qu'il se constituait en permanence. Désireux d'augmenter sa puissance,   dans l'intérêt de la République, il s'est mis en rapport avec les Comités des Départements voisins : la Ligue du Sud-Ouest est constituée,   son Comité de Salut Public est créé.   - Quelle est leur ligne politique   ?
Elle est tracée en entier dans le programme acclamé par le Comité dans sa séance du 7 octobre,  programme accepté par les dix candidats à la Constituante (1).
1.  Les candidats s'engagent à affirmer,   soutenir et défendre la République,  une et indivisible,   au péril de leur vie ;
2.  À mettre hors la loi tous les prétendants ;
3. À marcher, comme délégués, à la tête des armées pour la?défense nationale, suivant en cela l'exemple glorieux de nos pères en 92 ;
À traiter et résoudre les questions sociales au mieux des intérêts de la classe ouvrière.
À séparer l'Eglise de l'Etat ;
À rendre compte aux électeurs du mandat qui leur a été confié.
Citoyens, les ennemis de la République ne cachent plus leurs aspirations ; ils s'efforcent de déconsidérer les hommes du Pouvoir et de jeter sur eux le mépris. En face de la République, on relève le drapeau de la monarchie ; c'est donc la guerre civile que l'on suscite en face de l'ennemi,   dont on s'efforce ainsi de préparer le triomphe.
Plus d'hésitations, plus de demi-mesures ! Les promesses faites aux délégués de Toulouse n'ont pas encore été réalisées. Votre pouvoir est celui de la Dictature dans l'intérêt du Salut Public.
Il faut en user sans faiblesse. Les vrais Républicains sont debout ; eux seuls sont votre appui réel. Ne sommes-nous point en communion parfaite d'idées avec vous ? Nos décisions obtiendront toujours votre adhésion, car elles auront pour fondement le maintien de la République une et indivisible.
De séparation,  il n'y en a pas de possible entre nous ; vous serez, en effet, de grands citoyens et vous vous tiendrez constamment à la hauteur du mandat héroïque que la France vous a confié.
La situation de la Nation est la même que celle de 1792.   Songez à ce que firent nos pères.  Puisez vos enseignements dans les exemples qu'ils nous ont donnés,   et faites comme eux,   en répondant aux attaques passionnées dont vous êtes l'objet. - Qu'importe notre mémoire pourvu que la France et la République soient sauvées.
Notre fortune,  notre sang, nous vous les offrons.
Salut et fraternité.
Les membres de la Commission exécutive du Comité de Salut Public,   de la Ligue du Sud-Ouest.
Cousin, Calvet (Antoine), Mule (Antonin), Leygues, Valette, Cales, Bayard, Pegot-Ogier,   Thevenin, Sarrans, Grillou, Cuvellier, Gaubert aîné, Bastie, Lasserres, Reilhe, Calvet aîné,   Esparbes,  Soûle,  Chaubard, Boudin.
Latrille, Abeille, Marmande, Rodeloze, Dardieu,   Mathieu, Cavallier,  Gringault,   Izar.
 
Fait au Capitole,  à Toulouse,  le 10 octobre 1870.
 
(1) À ce moment, il était toujours question d'élections à une Assemblée Constituante. Cf.  la chronologie.
 
 
 
b) Programme de la Ligue du Sud-Ouest, 20-21 novembre.
 
Source: C 2884
Conformément à la convocation provoquée par l'Emancipation de Toulouse et  par la Fraternité de Carcassonne, plusieurs réunions ont été tenues au Gymnase Léotard et au Capitole.
Voici le programme arrêté :
Vu les menées, de moins en moins déguisées,   de la réaction de toutes couleurs, dans le but aujourd'hui   évident d'une restauration monarchique,
Vu le devoir de tous les bons citoyens de coordonner toutes les forces démocratiques dans la France méridionale, afin d'exercer sur le Pouvoir central et les autorités départementales une action puissante et constante, et dans le but de leur fournir les moyens de consolider, d'assurer la République  une et indivisible,   contre l'ennemi du dedans et du dehors,
La Ligue du Sud-Ouest réunie à Toulouse en assemblée populaire les 20 et 21 novembre 1870 adopte les résolutions suivantes :
Article premier.  - Résistance à outrance et envoi de commissaires civils avec les pleins pouvoirs aux armées en campagnes et dans les places assiégées.
Article 2.  - Abolition des octrois et de tous les impôts qui contrairement aux principes démocratiques pèsent le plus lourdement sur la classe la plus nombreuse et la plus pauvre, et sans rien préjuger au sujet de l’impôt progressif, leur remplacement par une taxe proportionnelle sur les revenus au-dessus de 50 francs.
Article 3.   -  Dissolution des Conseils généraux,   des Conseils d'arrondissement, et des Conseil élus sous l'Empire et encore en exercice.
Article 4. - Epuration du personnel des Préfets à l'effet   de réaliser les réformes jugées nécessaires par l'unanimité des Républicains.
Article 5.   - Destitution de tous les fonctionnaires de tout ordre qui se sont signalés sous le régime tombé par leur zèle dynastique,  notamment les maires,  les juges de   paix, percepteurs, les recteurs et les inspecteurs d'académie et des écoles élémentaires.
Article 6. - Remplacement dans toutes les communes de France des instituteurs municipaux congréganistes par des instituteurs laïcs.
Article 7.   - Exclusion des fonctions publiques de tous les serviteurs du gouvernement déchu.
Article 8.   - Reconstitution sur des bases réellement républicaines des bureaux de bienfaisance, des sociétés de secours mutuels et des Conseils d'administration des hospices qui continuent à faire servir à des fins monarchiques et cléricales les fonds,   aujourd'hui si considérables,   dont la répartition leur est confiée.
Article 9.  - Etablissement dans chaque département d'un jury chargé de juger les complices officiels ou extra officiels du guet-apens de décembre et de la longue suite de crimes commis par Louis -Napoléon Bonaparte.   Mise sous séquestre immédiate jusqu'au jour du jugement national de tous les biens mobiliers et immobiliers des hommes qui ont participé à l'attentat du 2 décembre et poussé la France à la guerre.
Article  10.  - Séparation absolue de l'Eglise et de l'Etat,  voeu que les privilèges dont le clergé a joui jusqu'à ce jour, ne soient pas maintenus par le Gouvernement républicain, et que les ministres des différents cultes replacés  sous le droit commun soient soumis avec tous les autres citoyens de 20 à 40 ans au service militaire.
Article  12.  - Dans le cas où Paris, forcé de capituler succomberait, et où le Gouvernement actuel serait paralysé par l'invasion des provinces, la Ligue du Sud-Ouest demanderait d'urgence tous les pouvoirs nécessaires pour aviser à ce que la défense du territoire reste libre.
                       VOIES   ET   MOYENS
Article  1er.   - La Ligue du Sud-Ouest invitera les Ligues du Midi et de l'Est,   dont les principes ne diffèrent pas du sien,   à fusionner entre elles,  et provoquera la formation des Ligues du Centre, de l'Ouest, et du Nord,   qui composeront les ligues solidarisées de France. (1)
 
Article 2.   - La Ligue du  Sud-Ouest sera représentée par la Commission centrale permanente qui correspondra avec les Comités départementaux.
Article 3.   - Les Comités départementaux devront envoyer chaque semaine à la Commission centrale un exposé de leurs efforts et des résultats obtenus.
Article 4.  - Le budget des Comités de canton,   d'arrondissement et de département est réglé par ces comités qui devront verser à la commission centrale les sommes nécessaires aux frais généraux de la Ligue.
Article 5. - À peu près tous les huit jours, il sera fait un résumé des divers travaux des comités d'arrondissement et de la Commission centrale permanente dans les journaux adhérant à la Ligue.
Article 6. - Le siège de la Commission centrale est fixé à Toulouse
Article 7. - Une délégation de la Ligue sera envoyée auprès du Gouvernement de Tours chaque fois que les circonstances politiques l'exigeront
Les pouvoirs des délégués prendront fin dès que leur mission sera remplie.
Les départements nommeront séance tenante un délégué. Ces délégués nommeront à leur tour des délégués suppléants ; quand le délégué départemental sera présent, il prendra part au vote ; en cas d'absence du délégué départemental, son délégué de Toulouse aura voix délibératrice.
Article 8.   - Il sera immédiatement envoyé auprès du Gouvernement de  Tours trois délégués pris dans le sein de l'Assemblée qui auront pour mission de présenter à la délégation du Gouvernement les vœux de la Ligue du Sud-Ouest.
Sont nommés membres du Comité central permanent de la Ligue :
pour
la   Haute-Garonne le citoyen Sarrans
l'Hérault le citoyen Jesnau
la Dordogne le citoyen Leymarie
l'Aude le citoyen Marcou
le Gard le citoyen Combet
le Lot le citoyen Combarieu
l'Ariège les citoyens Gentry et Magre, membres provisoires
le Lot-et-Garonne le citoyen Brandeaur.
 
(1) La Ligue du Midi et de l'Est,c'est seulement la Ligue du Midi précédemment citée.
On n'a pas trace de l'existence de Ligues du Centre ou du Nord. Il semble néanmoins qu'une Ligue de l'Ouest ait tenté de se constituer, à l'instigation des préfets des départements concernés ; mais elle fut à coup sûr mort-née.
À noter cependant que ce programme de novembre 1870 laisse supposer ou entendre que la Ligue du Sud-Ouest ne serait pas complètement démantelée,  comme peuvent le faire croire d'autres sources. Rappelons (voir chronologie) qu'elle n'est officiellement supprimée que fin novembre.
 
 





 
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